Sometimes a book

 

Après avoir notamment publié plusieurs livres consacrés à la mythologie, Louise Roullier est arrivée au catalogue des éditions Critic avec un premier roman de fantasy assez classique dans les codes utilisés, mais qui les détourne savamment pour offrir une œuvre très rafraichissante. 

 

 

 

Le roman peut être séparé en deux parties présentant les deux destinées de Lidia. Dans la première, son père est mort et on suit la quête périlleuse de la jeune femme pour découvrir le secret du retour dans le passé. Pour cela, elle va devoir mentir, voler, voyager dans les plus lointaines montagnes où vivent de monstrueuses créatures et de puissants sorciers, payer de son sang ou de son âme. La deuxième partie présente la destinée dans laquelle son père a survécu et gagné le tournoi des Sept Oriflammes. Lidia se réveille alors dans une toute nouvelle vie et réalise que pour sauver sa propre existence, elle en a détruit beaucoup d’autres. Le jeu en valait-il la chandelle ? De plus, dans chacune de ses destinées, un mystérieux ennemi la traque restant dans l’ombre, modifiant ce qu’elle essaye de construire. Quelle que soit la destinée qu’elle souhaite obtenir, il lui faudra comprendre qui il est et déjouer ses plans.

 

 

Ainsi Grain de sable mêle habilement fantasy assez classique et voyage dans le temps rendu possible grâce à une très ancienne magie. La magie a d’ailleurs une place prépondérante dans le récit à travers la coexistence de mages et des sorciers qui ne se mélangent pas et pratiquent une magie différente. Le système de magie reste assez classique, mais le mélange des deux formes de magie et la place importante de la magie dans l’univers donnent un côté merveilleux et très dépaysant à cette lecture. Il y a également un côté très lumineux et une légèreté qui se dégage du roman malgré les épreuves que vit l’héroïne, qui rend cette lecture très fluide et agréable. Il ne s’agit pas ici d’une fantasy sombre et épique, au contraire tout est centré sur le personnage de Lidia restant donc dans la sphère de l’intime. Grain de sable ne manque pour autant pas d’action, et enchaîne même les péripéties de manière très rapide surtout dans la première partie. Si les idées fusent très vite et qu’on ne s’ennuie jamais, cela donne tout de même un petit sentiment de facilité. Les obstacles sont ainsi toujours plus nombreux à se dresser devant l’héroïne, mais elle les élimine toujours très rapidement. Bien heureusement, le personnage de l’antagoniste se révèle au fur et à mesure du récit comme étant un rival particulièrement puissant et dangereux pour l’héroïne.  

 

Je ne suis pas forcément une grande adepte des histoires de voyage dans le temps, car cela apporte souvent son lot d’incohérences. Louise Roullier ne tombe pas dans ce piège et utilise ce trope avec intelligence et de manière pertinente. Ainsi, elle ajoute des règles assez inédites sur la manière d’utiliser ce pouvoir et en réalité, il ne s’agit pas vraiment de voyage dans le temps, mais plutôt de possibilité de modifier le passé. J’ai beaucoup aimé découvrir les deux destinées de Lidia et les questionnements qui en découlent ainsi que découvrir les différents destins des personnages secondaires. Il y a une vraie réflexion qui résulte de cette modification du passé et l’autrice en montre bien les conséquences positives, mais surtout négatives. Lidia va être tiraillée entre ses désirs personnels et le bien du Royaume. Ainsi le gros point fort de cet univers est son absence de manichéisme. Il ne s’agit pas d’une lutte entre le bien et le mal, mais de défis moraux pour savoir quels choix sont les plus acceptables. J’ai tout de même regretté un côté idéaliste assez prononcé autant dans la personnalité de l’héroïne que dans l’univers. Si les questionnements sont intéressants, ils sont assez simplifiés et les conséquences des choix que font les personnages manquent parfois de nuances. 

 

C’est sûrement le point le plus original de ce roman : l’identité de l’antagoniste et la manière dont il agit contre l’héroïne. Je ne peux rien révéler de ce personnage, simplement qu’il apparait de manière marquée dans le texte, effaçant les actions de l’héroïne. Cela se traduit par des trous au milieu du texte, des passages en pointillés et/ou des phrases barrées. L’autrice a ainsi trouvé une bonne manière pour marquer visuellement la modification des évènements. Si les premières apparitions de cet antagoniste sont mystérieuses, l’héroïne va peu à peu réussir à identifier son rival dont l’identité est assez étonnante. Je ne pense pas avoir déjà vu ce genre d’antagoniste dans un roman de fantasy. Et comme je le disais précédemment, le roman est loin d’être manichéen jusque dans son antagoniste qui a une véritablement raison d’agir comme il le fait. Il n’y a pas de gentils ni de méchants dans ce roman, simplement des personnages aux intérêts différents.

 

De manière générale, les personnages sont attachants et agréables à suivre. Grain de sable n’est pas exempt de défauts, mais son côté lumineux, son absence de manichéisme, son univers dépaysant et ses personnages en font un très bon divertissement. Le roman est bien écrit, propose de nombreuses péripéties et réussit à se renouveler efficacement au fil des pages en proposant une intrigue rafraichissante qui dépoussière agréablement les codes du genre. 

 

 

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