[Chronique] L’île de silicium, de Chen Qiufan

l'île de silicium

« Par une nuit pluvieuse, nue, meurtrie, sanguinolente, elle a déambulé dans les rues des villages, comme un cadavre revenu de l’au-delà, rappelant à tous les témoins qu’elle n’était que la morte d’un temps futur. C’était un oracle rapportant une révélation divine : si nous vivons, ce n’est pas juste pour survivre. »


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L’île de silicium
Auteur :
Chen Qiufan
Traduction : Gwennaël Gaffric
Illustration : Huleeb
Maison d’édition : Rivages
Genre : Science-fiction
Nombre de pages : 4443
Prix : 23 € 
Synopsis
Xiaomi travaille sur l’île de Silicium, située au large de la Chine, où les appareils électroniques du monde entier sont envoyés au recyclage. Comme elle, des milliers de migrants sont attirés sur cette île polluée par la promesse d’une vie meilleure. Mais ceux que l’on surnomme les « déchetiers » demeurent à la merci de puissants chefs de clan. Alors qu’un conflit se trame entre les trois clans rivaux, des investisseurs américains et des écoterroristes, Xiaomi découvre les débris d’une mystérieuse prothèse qui risque de changer le cours de leurs destins.
MON avis
Avec L’île de silicium, les éditions Rivages inaugure leur toute nouvelle collection dédiée aux littératures de l’imaginaire dont la ligne éditorial est décrite comme voulant explorer les possibles de notre destin planétaire. Pour l’instant, ils prévoient de publier 3 titres par an dont les prochains seront : Immobilité de Brian Evenson, Le livre de la pluie de Thomas Wharton et L’odyssée des étoiles de Kim Bo-young.
Et les éditions Rivages commencent fort avec L’île de silicium, un techno-thriller implacable qui aborde la thématique de l’écologie en nous emmenant sur une île décharge saisissante de réalisme. L’île de silicium est une île imaginaire qui s’inspire de la ville de Guiyu en Chine proche de la région natale de l’auteur. C’est une île plombée et polluée par les déchets électroniques envoyés du monde entier pour y être triés et recyclés. Toute la population de l’île s’articule autour de ces déchets créant un véritable enjeu économique qui a encouragé l’émergence de trois clans qui s’affrontent sur ce terrain. Et au début du roman, une quatrième puissance va débarquer sur l’île sous l’égide de Scott Brandle, un américain venu proposer la création d’une usine de recyclage afin d’améliorer les conditions de travail sur l’île et de lutter contre la catastrophe écologique engendrée par la montagne de déchet en compagnie de son assistant Dang Kai-zong. Une proposition louable a première vue, mais qui va accentuer les tensions entre les clans.
L’île de silicium est un roman coup de poing au rythme assez lent et à l’atmosphère glaçante. Chen Qiufan décrit très bien la situation dramatique de la Chine face à la gestion de ces déchets électroniques qui s’accumulent et mettent le monde face à un risque écologique majeur. Il montre parfaitement toutes les dichotomies qui empêchent la situation de s’améliorer aussi bien d’un point de vue humain qu’économique. Il met en lumière l’exploitation d’une partie de la population, ces migrants qui viennent sur l’île de silicium avec des rêves plein la tête, mais qui pour beaucoup n’en repartiront jamais. S’il y a bien une trame narrative au récit, on ressent surtout le désir de l’auteur de faire un état des lieux de la catastrophe qui se joue en n’épargnant personne, ni cette Chine aux technologies hyper avancées mais qui continue de s’enliser dans de vieilles traditions ni les Etats-Unis qui cachent derrière de belles paroles de traits manipulateurs et égoïstes.
Ainsi l’île de silicium n’épargne personne, ni le lecteur ni les personnages. Le roman est assez âpre et cache des scènes dures et réalistes. Tous les personnages possèdent des traumatismes et des histoires particulièrement difficiles que l’auteur exploite plus par désir de dénonciation et que réellement pour creuser la psychologie de ses personnages. Au cœur de sa dénonciation, l’auteur place la figure de Xiaomi jeune déchetière qui va se rapprocher de Dang Kai-zong. La jeune femme va devenir le symbole de la violence et de la lutte qui va éclater sur l’île, faisant le lien entre les différents clans et les américains. C’est également le personnage qui va creuser tout l’aspect technologique et science-fictif de l’intrigue suite à un retournement de situation qui se produit au milieu du récit. La scène en question est assez impressionnante et les conséquences qui en découlent redonnent de l’énergie au récit qui se perd parfois sous de longues descriptions et une certaine distance que l’auteur installe avec les personnages nous plaçant comme observateur impuissant. De enjeux nouveaux arrivent ainsi dans la deuxième partie, toujours là pour appuyer la critique sociétale et viennent accentuer l’aspect dérangeant du récit, ce qui le rend plus percutant. La fin retombe dans quelques facilités, mais de manière générale l’auteur réussit à faire passer son message et à nous immerger dans l’horreur social, écologique et économique de cette île-déchet.
Chen Qiufan nous propose donc ici un roman sans concession, pas toujours facile à lire et à appréhender, mais qui énonce un état des lieux glaçant et désespéré de la société actuelle et des catastrophes écologiques à venir. Une bonne façon de mieux comprendre le contexte socio-économique de la Chine exposé par un auteur qui s’est inspiré de sa propre expérience et qui ne cherche pas à masquer ou atténuer la réalité de la situation de son pays d’origine.
bonne lecture

D’autres avis : Lectures du Maki

11 réflexions sur “[Chronique] L’île de silicium, de Chen Qiufan

  1. Jae_Lou 26 octobre 2022 / 8 h 09 min

    Ah ben je n’étais pas spécialement attirée par ce récit mais tu pique ma curiosité !

    Aimé par 1 personne

  2. tampopo24 26 octobre 2022 / 12 h 35 min

    C’est justement cette noirceur dans le propos, cette dénonciation des dérives qui pourraient arriver et sont déjà là qui m’a plu.
    J’ai hâte de découvrir les prochains titres de la collection qui ont tous des titres vendeurs.

    Aimé par 1 personne

    • Sometimes a book 26 octobre 2022 / 17 h 26 min

      Oui le ton du roman est vraiment réussi et percutant et je pense que c’était vraiment la volonté de l’auteur ! Je suis aussi très curieuse des prochains titres de la collection

      Aimé par 1 personne

  3. Les Lectures du Maki 26 octobre 2022 / 18 h 16 min

    Merci pour le lien.

    Je partage ton avis sur cette atmosphère glaciale et sur cette réalité avec laquelle il faudra faire.

    Hâte de découvrir les prochains titres : Evendon ne me tente pas trop par contre les deux autres. 🤩

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  4. zoelucaccini 31 octobre 2022 / 10 h 40 min

    Je viens de le recevoir avec la dernière masse critique de babelio !
    Ca va être une lecture d’autant plus percutante pour moi qui viens de finir une croisière… et qui ai passé ma semaine à m’effarer de tout ce non-sens quotidien, parmi une foule qui n’en a clairement rien à carrer. Ni de l’écologie ni des employés à moitié esclaves.
    Une lecture qui va me replonger dans le réel, très certainement.

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  5. Shaya 1 novembre 2022 / 12 h 04 min

    Merci pour ton avis 🙂 je n’avais pas prévu de le lire, mais il semble tout de même intéressant à découvrir.

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  6. Zina 28 novembre 2022 / 8 h 33 min

    Avec ce livre Rivages, fait un démarrage percutant ! Ça te fait sérieusement t »interroger.

    Aimé par 1 personne

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