
« Elle souhaitait qu’il devienne un dieu. Pour elle c’était simple, une évidence. Un dieu. Je ne pouvais pas imaginer Achille ainsi. Les dieux étaient insensibles et distants, aussi lointains que la lune. Ils n’avaient rien à voir avec ses yeux vifs, la chaleur malicieuse de ses sourires. »

Autrice : Madeline Miller
Traduction : Christine Auché
Illustration : Pauline Ricco
Éditeur : Pocket>
Genre : Fantasy / Mythologie
Date de parution : 20 mars 2014 (français)
Nombre de pages : 471
Prix : 8,10 €
Synopsis
Ce ne sont encore que des enfants : Patrocle est aussi chétif et maladroit qu’Achille est solaire, puissant, promis à la gloire des immortels. Mais, grandissant côte à côte, un lien se tisse entre ces deux êtres si dissemblables.
Quand, à l’appel du roi Agamemnon, les jeunes princes se joignent au siège de Troie, la sagesse de l’un et la colère de l’autre pourraient bien faire dévier le cours de la guerre… Au risque de faire mentir l’Olympe et ses oracles.
J’avais déjà lu Circé, l’autre revisite de la mythologie grecque écrite par Madeline Miller et que j’avais déjà beaucoup aimé. C’était donc une évidence de me plonger dans Le chant d’Achille même si les thématiques et ce personnage d’Achille m’intéressaient moins au premier abord. Et pourtant, je l’ai finalement trouvé encore meilleur que Circé, une lecture bouleversante que je vous conseille énormément que vous aimiez ou non la mythologie grecque.
Achille, comme on ne l’a jamais vu
Comme le titre l’indique, ce roman est donc centré autour d’Achille, héros de l’Illiade et de la Guerre de Trois, fils de la déesse Thétis et du roi de Phtie, Pélée. Mais le portrait d’Achille n’est pas dépeint directement par Madeline Miller, mais à travers les yeux d’un autre personnage, Patrocle, qui est le véritable narrateur de cette histoire. Le roman débute donc par l’enfance de Patrocle, sa vie jusqu’à sa rencontre avec Achille puis la manière dont il est devenu le plus proche compagnon et amant d’Achille jusqu’à la Guerre de Troie relatée dans le dernier quart du récit.
Le fait de choisir Patrocle comme narrateur du roman est un réel coup de maître de la part de Madeline Miller. Elle choisit un personnage simple qui est très loin de la figure d’un héros grec que ça soit physiquement ou dans ses aptitudes intellectuelles et physiques. Patrocle est ainsi un personnage assez commun auquel chacun peut s’identifier très facilement et il est difficile de ne pas se sentir impliqué dans son histoire et attaché à lui, d’autant plus qu’on le voit grandir au fil du récit. Et finalement c’est à travers ses yeux que l’on découvre Achille, ce personnage parfait qui n’a besoin d’aucun effort pour réussir ce qu’il entreprend, un personnage qu’on aurait pu détester si on l’avait suivi directement. Mais c’est un autre portrait d’Achille que nous dépeint Madeline Miller, un portrait forcément biaisé puisque donné de manière très subjective par Patrocle et c’est là toute la grande force du récit. Patrocle raconte l’histoire d’Achille avec tellement d’amour, d’admiration et de passion qu’il est impossible de ne pas apprécier ce personnage. Plus qu’une revisite de la mythologie grecque, c’est surtout une grande histoire d’amour que nous conte Madeline Miller, et il n’y a vraiment qu’elle pour me faire apprécier de la romance ! Mais si elle fonctionne si bien, c’est aussi grâce à la finesse avec laquelle l’autrice forge la personnalité de ses personnages. Leur caractère évolue de manière très douce et pertinente au fil des pages et si l’autrice prend énormément de temps pour exploiter l’enfance et l’adolescence de Patrocle et d’Achille, c’est pour mieux révéler leurs choix lors de la Guerre de Troie. Chaque action, chaque erreur, chaque folie que commettent alors les personnages n’est que le fruit de leur évolution et s’accordent parfaitement dans le récit. Le destin des deux héros en devient extrêmement bouleversant, et ce, même si on connaît dès le départ la manière dont tout cela se termine.
Une revisite magistrale de l’Illiade
Difficile de ne pas être époustouflé par la manière dont Madeline Miller revisite la mythologie grecque et parvient à lui donner une âme. Avec son écriture sensible et poétique, elle donne réellement vie aux personnages en décrivant avec précision chaque scène et en installant des dialogues lourds de sens et très réaliste. Si les mythes d’origine sont surtout constitués de faits et d’action et mettent en scène des personnages plutôt manichéens, Madeline Miller réussit elle à rendre le tout très visuel et nuancé et nous emmène en totale immersion avec ses personnages. On peut aisément s’imaginer les décors, sentir les odeurs, entendre les sons en même temps que les personnages, ce qui accentue l’impression de vivre l’histoire avec eux. Le fait de suivre Achille et Patrocle sur des dizaines d’année donne ainsi l’impression de les connaître et de faire partie de leur intimité, accentuant encore l’aspect tragique du dénouement.
L’autrice prend forcément de nombreux parti-pris avec les mythes de départ qui possèdent de nombreuses versions et tous ses choix m’ont paru extrêmement censés et sont cohérents avec le portrait qu’elle fait de ses personnages et avec le déroulé global des évènements. Elle passe ainsi sous silence certains évènements de la Guerre de Troie qui auraient entachés le portrait très solaire qu’elle dresse d’Achille. Cela plaira ou non aux férus de mythologie, personnellement, j’ai aimé découvrir Achille sous un jour que je n’imaginais pas, très loin de l’image du guerrier sanguinaire que je m’en faisais, et je comprends donc parfaitement ces choix. A noter que si le portrait d’Achille est extrêmement positif dans le récit, cela ne l’empêche pas de faire des erreurs, de pêcher par excès d’orgueil et de payer le fait d’avoir été mis sur un piédestal toute sa vie.
S’il y a beaucoup moins de personnages secondaires dans Le chant d’Achille que dans Circé, on rencontre tout de même quelques grands noms comme Ulysse, Paris, Hector, et aussi la mère d’Achille, Thétis, qui est particulièrement intéressante et qui est la seule déesse qui apparaît dans l’histoire. A travers ce personnage, Madeline Miller intègre une morale à son roman en questionnant les relations mère-enfant et l’éducation d’une manière saisissante. Thétis n’est pas forcément un personnage très présent, mais chacune de ses apparitions est extrêmement marquante. C’est un personnage très complexe qui, par ses choix et sa haine des humains, contribue à rendre la fin du roman encore plus bouleversante qu’elle ne l’est déjà. C’est peut-être le personnage à la psychologie la plus intéressante du récit et une raison de plus découvrir ce merveilleux roman.
Les souvenirs continuent d’affluer, encore et encore. Elle écoute en fixant les veines de la pierre, et nous sommes tous réunis, la déesse, le mortel, et le garçon qui était les deux à la fois.
Conclusion
Madeline Miller nous présente une nouvelle facette du héros Achille à travers du point de vue de Patrocle, un personnage simple auquel on peut aisément s’identifier. L’autrice façonne si bien ses personnages qu’ils sont incroyables de réalisme et extrêmement attachants. Elle nous plonge dans l’intimité du couple Patrocle/Achille qu’on suit sur des dizaines d’années dans une atmosphère extrêmement immersive qui donne l’impression de vivre à leurs côtés. Madeline Miller propose une revisite magistrale de la vie d’Achille de son enfance jusqu’à sa participation à la guerre de Troie. Elle donne une véritable âme à ce mythe en lui offrant de magnifiques décors et en tissant avec finesse le destin de ses personnages. Les partis-pris qu’elle choisit sont ainsi parfaitement cohérents avec l’image qu’elle veut renvoyer de ses personnages, chacune de leurs actions prenant un sens au regard de leur évolution. La justesse de son récit n’en accroît que son côté tragique et même en connaissant l’issue de l’histoire, il est difficile de ne pas en ressortir bouleversé.
Très belle chronique qui me donne terriblement envie de relire ce roman coup de cœur.
Je trouve aussi que c’est le choix de Patrocle qui fait toute la réussite du titre. Et tu as bien mis le doigt sur le fait que grâce à lui, l’épisode mythologique racontée par l’autrice prend vraiment vie, s’anime et devient plus complexe et nuancé que dans les récits un peu froids d’Homère.
Quelle superbe histoire !
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Merci beaucoup pour les compliments et je suis contente de voir que nos avis se rejoignent complètement !
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Je ne pensais pas que ce roman pourrait m’intéresser mais ta chronique me fait le mettre tout de suite dans ma WL ! Merci 😍
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Ah je suis vraiment ravie de t’avoir donné envie de le découvrir 😍
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Je l’ai dans ma PAL et comme j’aime beaucoup l’Iliade, j’ai hâte de découvrir ça ! Ta chronique donne envie en tous cas.
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J’espère qu’il te plaira autant qu’à moi dans ce cas !
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Tiens, moi c’est le contraire : j’ai de loin préféré Circé, je l’ai trouvé mieux écrit et mieux équilibré. J’avais peut-être des attentes démesurées parce que je n’arrêtais pas de lire partout que Le Chant d’Achille était encore mieux, mais clairement, à ce niveau, j’ai été déçue. Toute la première partie m’a parue assez poussive avec la romance parfaite et l’abondance de métaphores pas toujours très heureuses… J’avais juste une hâte, qu’on en arrive enfin à la guerre de Troie pour que ça devienne intéressant (et effectivement, ça s’améliore à partir de ce moment). Il y a juste la fin que j’ai trouvé bien moins forte dans Circé, mais ça n’a pas été suffisant pour que Le Chant d’Achille me paraisse meilleur dans l’ensemble.
Au moins, j’en suis sortie avec l’impression que Madeline Miller avait vraiment su capitaliser ses forces avec le temps (Circé étant paru après). Sa plume est de plus en plus maitrisée et j’ai bien hâte de voir ce qu’elle va nous sortir ensuite, elle a un très grand talent.
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Ah oui je peux tout à fait comprendre ton avis et je te rejoins totalement sur le fait qu’elle a un immense talent et j’ai hâte de voir ce qu’elle va faire ensuite !
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