
« Je tâchais de me raisonner en me disant qu’après tout, quand on veut vivre une histoire d’amour avec un personnage de conte de fées, on le laisse partir avant minuit s’il souhaite qu’il en soit ainsi. »

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Angélus des ogres
Auteur : Laurent Pépin
Éditeur : Flatland
Genre : Fantastique
Date de parution : 6 octobre 2021
Nombre de pages : 102
Prix : 8,50 €
Auteur : Laurent Pépin
Éditeur : Flatland
Genre : Fantastique
Date de parution : 6 octobre 2021
Nombre de pages : 102
Prix : 8,50 €
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Synopsis« J’habitais dans le service pour patients volubiles depuis ma décompensation poétique. Au fond, je crois avoir toujours su que cela se terminerait ainsi. Peut-être parce qu’il s’agissait du dernier lieu susceptible d’abriter une humanité qui ne soit pas encore réduite à une pensée filtrée suivant les normes d’hygiène. Ou plus simplement, parce qu’il n’y avait plus de place ailleurs dans le monde pour un personnage de conte de fées.
Je dois pourtant reconnaître qu’il n’y avait rien eu de féerique dans les évènements qui avaient présidé à mon admission : ma rencontre amoureuse avec une Elfe avait terriblement mal tourné, et les Monstres de mon enfance en avaient profité pour ressurgir. Je m’étais retrouvé plongé à nouveau dans le désert de ma venue au monde, un monde étranger et dangereux, où je ne savais pas bâtir. Sur ma langue desséchée, les mots mouraient ou devenaient fous. Parfois, même, mon corps se déchirait, sans savoir pourquoi. »

J’avais découvert l’année dernière la première novella de Laurent Pépin, Monstrueuse féerie et j’avais adoré la manière très personnelle de l’auteur de décrire le monde et de sonder l’âme et la folie humaine. C’est donc avec grand plaisir que j’ai découvert la suite des aventures du personnage principal dans Angélus des ogres. On y retrouve tous les éléments qui fonctionnaient très bien dans la première novella en plongeant de manière encore plus folle et profonde dans l’esprit humain et surtout dans l’esprit de plus en plus perturbé du narrateur.
On retrouve donc notre héros devenu selon lui patient-salarié dans un institut psychiatrique toujours entouré de ses monstres et de ses monuments. Il semble au départ avoir pris du recul sur sa situation et nous parle toujours de manière très particulière de son quotidien et de ses regrets sur les méthodes psychiatriques employées. Il y a ainsi un sous-texte très intéressant et pertinent sur le métier de psychologue, son évolution et la manière de traiter les patients.
« J’ai toujours considéré mon métier de psychologue consistait, en quelque sorte, en un poste d’assistant auprès d’inventeurs. Cela me semblait le seul positionnement défendable. Mais aujourd’hui, ce n’est plus ce qu’on nous demande. On attend du psychologue qu’il entrave l’avènement de la pensée singulière. On nous impose même des outils de mesure : on estime la quantité de pensée singulière d’une personne par rapport à une norme établie par des experts »
Le récit bascule lorsque notre narrateur rencontre Lucy, une jeune femme souffrant d’anorexie sévère. Les deux personnages vont entamer une relation qui va nous emmener au plus profond de la noirceur des personnages. Les secrets des deux protagonistes vont s’affronter ; Lucy et ses étranges absences nocturnes, le narrateur et les monstres intérieurs qu’il veut cacher… Doté de sa plume toujours aussi poétique et de son imagination très fertile, Laurent Pépin nous emmène toujours plus loin dans la folie, à travers un récit aussi dérangeant que fascinant. En effet, il nous plonge dans la tête d’un malade mental, nous permettant de voir la vie sous un prisme différent et de nous interpeller sur le rapport que peut entretenir la société face aux maladies mentales. La manière dont l’auteur dépeint ses personnages, qui sont coincés dans leur propre folie, et dont il mélange maladie psychiatrique et conte de fée est elle aussi très originale et percutante. Il faut sortir de sa zone de confort pour lire ce texte, accepter de se laisser porter dans un ailleurs inquiétant et de réfléchir à la portée de chaque mot. L’auteur réussit également à faire ressortir de la douceur dans le quotidien de ses personnages. Il nous conte pourtant un récit fait de traumatismes, de violence, de souffrance… Et pourtant, son style poétique et la puissance de la réflexion font ressortir la douceur dans les situations les plus sombres. Une manière de voir la maladie mentale sous un jour différent.
Comme Monstrueuse féérie, Angelus des ogres est une véritable expérience de lecture et m’a semblée tout aussi réussie que son prédécesseur. Je vous encourage vivement à tenter également l’expérience en lisant ces deux textes dans l’ordre de publication.

Merci beaucoup Roxane!
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Merci à vous !
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