Sometimes a book

« De nouveau, Yuri embrassa la contrée féérique et silencieuse. Lui aussi s’était préparé au pire, mais au lieu d’un chaos de glace hanté par les monstres, voilà qu’ils admiraient la splendeur cristalline des champs de neige, bordés du velours noirs des pins. »

 

 

Après Le dieu oiseau, Le roi des fauves et Mers Mortes, je continue ma découverte des écrits d’Aurélie Wellenstein avec Les loups chantants paru en grand format chez Scrinéo en 2016 puis en poche aux éditions Pocket. 

 

Voilà un roman parfait pour la saison hivernale puisque Les loups chantants nous emmène dans un road-trip au milieu terres enneigées de Sibérie, aux côtés des personnages et de leurs fidèles chiens de traineaux. Aurélie Wellenstein créé une très belle ambiance avec cet hiver gelé qui s’incarne comme une entité magique voire maléfique. Tout au long du périple, la neige recouvrira tout sur son passage et des monstres de l’hiver se dresseront sur le chemin des personnages. L’hiver est représenté ici comme un territoire à la fois beau et terriblement hostile, dichotomie qu’on retrouve bien aussi dans la figure des loups chantants. A la fois menaçants, et attirants ; beaux et terrifiants, ils représentent une entité difficile à appréhender. Ils semblent capables de pouvoirs magiques, notamment de s’introduire dans les rêves du personnage principal, Yuri, mais que sont-ils vraiment ? C’est l’une des grandes interrogations du roman.

 

C’est donc le personnage de Yuri que l’on suit principalement. Le livre s’ouvre alors qu’il découvre l’étrange affliction dont souffre sa sœur : sa peau se recouvre peu à peu de glace. Maladie bien réelle ou malédiction des dieux, deux théories s’affrontent, mais les superstitions sont plus fortes et les deux personnages sont contraints de fuir leur village et partir affronter le blizzard à la recherche d’aide. C’est alors une course contre la montre qui débute, course contre la maladie qui gagne du terrain, contre les loups qui les poursuivent et contre l’hiver terrible qui les menace ; les dangers sont de tous les côtés. Le récit prend donc un rythme effréné, très vite les notions de rêves et de réalité se brouillent. On ressent bien la tension qui croît dans le récit et on comprend aisément les questionnements des personnages. Ceux-ci sont écrits de manière assez convaincante malgré le peu de pages de ce roman. Leurs choix et leur passé ne sont pas extrêmement développés, mais les sentiments qu’ils ressentent sont assez forts et universels pour être impactants. On peut aisément comprendre le froid, la faim et la fatigue qui les terrassent, mais aussi leurs angoisses et douleurs plus profondes : le fait de subir un mal qui nous dépasse et qu’on ne contrôle pas et la notion de perte. Ainsi, le deuil est l’une des grandes thématiques de ce récit et comme souvent avec Aurélie Wellenstein, elle est abordée de manière assez originale, brumeuse et métaphorique. L’autrice s’attarde sur la psychologie de Yuri et exploite énormément ses blessures et ses doutes pour mieux montrer la difficulté de ses choix. Une autre des grandes thématiques du récit est ainsi la notion de libre-arbitre, que ce soit le fait de laisser les autres faire leurs propres choix ou d’abattre nos propres barrières pour faire les nôtres.

 

Si le récit propose donc une belle ambiance et des réflexions intéressantes, le rythme effréné ne m’a pas permis de m’immerger totalement dans cet univers. Comme je le soulignais, on comprend facilement les émotions des personnages, mais je n’ai personnellement pas ressenti le froid glaçant de cette traversée ni n’ai visualisé facilement les paysages enneigés. Le roman est court et l’autrice a privilégié l’action et le développement de la psychologie de Yuri au détriment de descriptions. Je ne dénigre pas ce choix qui apporte beaucoup plus de tension et un côté saisissant au récit, mais il aurait pu être allongé un peu pour une plus grande immersion. J’ai également été assez perturbée par la technologie présente dans l’histoire. Il n’y a pas de cadre spatio-temporel, mais les personnages semblent être issus d’un village très isolé et vivre à la manière de peuples assez anciens, et pourtant il est parfois fait mention de technologies très modernes. Un monde contemporain semble donc coexister avec ce monde enneigé où le chamanisme et les vieilles superstitions demeurent. Le roman met d’ailleurs en avant un affrontement entre science et chamanisme qui m’a semblée trop marquée et dénué de nuances bienvenues. Le récit n’est donc pas dénué de quelques maladresses résultant surtout d’un manque de développement de certains aspects de l’intrigue, mais reste un voyage agréable sombre et en même temps empreint d’espoir. 

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D’autres avis : Zoé prend la plume – Les blablas de Tachan – Dup – Blackwolf – La rivière de mots