[Chronique] Memoria

À l’occasion de ses 30 ans, et fidèle à sa vocation première – révéler de nouveaux talents dans une littérature francophone de l’imaginaire à la fois singulière, vibrante et exigeante –, Mnémos a organisé un concours de nouvelles de fantasy autour du thème de la mémoire, ouvert aux primoromanciers et romancières. Parmi les nombreuses contributions reçues, cinq textes se sont imposés par leur force d’évocation et leur originalité, ouvrant des perspectives enthousiasmantes pour la fantasy francophone de demain. Vous avez envie de découvrir les voix émergentes qui façonneront peut-être le paysage de l’imaginaire à venir ? Alors laissez-vous emporter par Memoria !
Entre souvenirs enfouis, héritages oubliés et quêtes d’identité, ces cinq nouvelles vous invitent à explorer des univers riches en style et en caractère, marqués par la puissance de l’émotion et la singularité de chaque plume.

MON avis

À l’occasion des 30 ans des éditions Mnémos, un appel à textes a permis de sélectionner cinq nouvelles de fantasy autour du thème de la mémoire. Réunies dans le recueil Memoria, elles offrent un beau melting pot au ton souvent teinté de mélancolie et de tragique, explorant les souvenirs perdus ou retrouvés.

La Clairière aux sirènes – 1AM

La première nouvelle du recueil suit Jean, un jeune apprenti mage, qui accompagne son maître dans la protection d’une caravane traversant des terres dangereuses. Au cours de leur périple, ils doivent traverser un fleuve infesté de sirènes, des créatures redoutables et terrifiantes. Pour Jean, cette rencontre est particulièrement traumatisante : les sirènes sont responsables de la destruction de son village natal et de la perte de sa famille.

Cette première nouvelle pose le ton du récit avec sa langueur et son atmosphère douce-amère. Elle nous plonge dans l’intimité d’un jeune homme brisé par son passé, à qui l’on a offert une nouvelle chance, mais qui reste hanté par ses souvenirs enfouis. À travers la métaphore des sirènes, l’histoire explore le douloureux processus de confrontation avec des traumatismes refoulés, des blessures anciennes qui surgissent lorsque l’on se retrouve face à ce que l’on avait cherché à oublier pour se protéger.

Ce que les Terres Vagues gardent de toi – Pauline J. Bhutia

À travers une narration hybride entre 1ère et 2e personne, on découvre dans cette deuxième nouvelle un personnage qui retourne sur les traces de son passé suite à la mort de sa grand-mère et qui va essayer de renouer avec la mémoire de son peuple. Si on reste ici sur une nouvelle aux accents de tragédie, elle nous offre un style plus poétique et onirique et duquel se dégage une très grande candeur. Cette nouvelle parle de la difficulté à trouver sa place quelque part et du pouvoir de la mémoire collective d’un peuple.

Mouches – Corentin Praud

Cette troisième nouvelle nous emmène dans les pas d’un collecteur dîme qui va de foyer en foyer pour collecter l’impôt sous forme de souvenirs que prélève la fée qui l’accompagne. C’est une nouvelle plus vive que les deux précédentes avec un ton toujours tragique et désespéré. Cette nouvelle est particulièrement intéressante, car elle parle du prix des souvenirs à travers différents prismes. On y aborde à la fois la difficulté à oublier et à perdre ses souvenirs, mais aussi le bouleversement que peut causer le fait de retrouver des souvenirs perdus. Et au-delà de ça, la nouvelle questionne sur l’histoire : ce que retient l’histoire lorsqu’on se place du côté des vaincus/des êtres insignifiants et la manière dont les histoires vont ensuite influencer le monde.

L’Héritage du technicien – Ghislain Puyfagès

Cette quatrième nouvelle, la plus longue du recueil, contrebalance le ton de toutes les autres avec un ton beaucoup plus léger et humoristique. On embarque cette fois-ci pour l’aventure sur le navire volant de Kamill Levna et son équipage qui partent à la recherche d’un trésor pour le compte d’une mystérieuse vieille femme qui aurait été une puissante sorcière. En plus de l’aventure épique mêlant magie et technologie, cette nouvelle s’inscrit comme un bel hommage à des grands noms de la fantasy comme Tolkien ou Le Guin. On peut regretter le fait que le thème de la mémoire soit plus ténu dans cette nouvelle et que la fin soit un peu trop précipitée, mais elle reste globalement très réussie offrant un bon divertissement.

Léthé, la mer d’oubli – Renée Zachariou

On termine enfin ce recueil sur une nouvelle au ton mélancolique en suivant Kélélé, une jeune femme qui prépare le mnemamon, une épreuve finale après un cursus de trois années d’études pour devenir logostrate, un savant de la mémoire. Mais, au détriment de ses études, la jeune fille est attirée par Lethé, la mer interdite capable d’arracher petit à petit les souvenirs. Cette dernière nouvelle très courte et poétique met en exergue d’une très belle manière le pouvoir de l’imagination versus celui de la mémoire.

Conclusion

Les cinq nouvelles de ce recueil forment un bel ensemble autour du thème de la mémoire. Quasiment toutes explorent la question des souvenirs, mais l’abordent sous un angle différent en ajoutant des questionnements autour de la mémoire collective, la mémoire des noms, ou encore la mémoire comme faculté intellectuelle. Si j’ai particulièrement apprécié les trois dernières nouvelles, toutes sont qualitatives et bien écrites, avec un ton globalement tragique mais aux nuances variées.

J’ai toutefois regretté leur brièveté : les deux premières, en particulier, auraient gagné à être un peu plus développées pour offrir des fins moins abruptes. La quatrième souffre également d’une conclusion trop rapide. Si cela permet sans aucun doute de percuter et de marquer le lecteur, cela laisse aussi une sensation d’inachèvement. Le recueil, étant relativement court pour 5 nouvelles, celles-ci auraient largement pu être étoffées de quelques phrases.

Malgré cela, Memoria reste une lecture plaisante. Ce court recueil parvient à offrir une belle diversité de regards sur un même thème, avec des textes qui, chacun à leur manière, interrogent notre rapport au souvenir, à l’oubli et à ce qui reste.

Livre reçu en service de presse de la part des éditions Mnémos que je remercie


Memoria
Auteurs :
1AM – Pauline J. Bhutia – Corentin Praud – Ghislain Puyfagès – Renée Zachariou
Couverture : Scott Uminga
Maison d’édition : Mnémos
Genre : Fantasy
Publication française :  4 juin 2025
Nombre de pages : 120 pages
Prix : 12 €

3 réflexions sur “[Chronique] Memoria

  1. Avatar de ghis4 ghis4 24 juin 2025 / 19 h 01 min

    Bonjour et merci pour votre chronique détaillée.

    Ça me fait bizarre qu’on parle d’un de mes textes mais je suis ravi que la nouvelle vous ai plu (et j’entends le point sur la brièveté de la fin…ma compagne avait un peu le même avis :D)

    Ghislain

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