[Chronique] Circé, de Madeline Miller

Circé
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« Il écarta mes mains de son cou. « Inutile de faire une scène de ce genre. Tu savais que ça arriverait. Je ne peux pas pourrir sous terre toute ma vie, en ne possédant rien en mon nom »
Et moi, avais-je envie de demander. Je vais pourrir ? »


 
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Circé
Autrice :
Madeline Miller
Traductrice : Christine Auché
Illustratrice : Pauline Ricco
Éditeur : Rue Fromentin / Pocket
Genres : Mythologie / Fantasy
Date de parution : 16 mai 2018
Nombre de pages : 563
Prix : 8,50 € (poche)
Synopsis
Fruit des amours d’un dieu et d’une mortelle, Circé la nymphe grandit parmi les divinités de l’Olympe. Mais son caractère étonne. Détonne. On la dit sorcière, parce qu’elle aime changer les choses. Plus humaine que céleste, parce qu’elle est sensible. En l’exilant sur une île déserte, comme le fut jadis Prométhée pour avoir trop aimé les hommes, ses pairs ne lui ont-ils pas plutôt rendu service ? Là, l’immortelle peut choisir qui elle est. Demi-déesse, certes, mais femme avant tout. Puissante, libre, amoureuse…

MON avis

Une héroïne sensible et imparfaite

Madeline Miller nous propose une revisite des mythes grecques à travers le personnage de Circé, déesse et fille du Titan Hélios, dieu du soleil. Elle est particulièrement connue pour ses talents de sorcière et sa fameuse rencontre avec Ulysse. Le récit débute à la naissance de l’héroïne que l’on va suivre dans son bannissement éternel sur une île où elle connaîtra la plupart de ses aventures. 

Avant d’aborder l’intrigue et la manière avec laquelle Madeline Miller aborde la mythologie grecque, je voudrais d’abord parler de l’héroïne Circé dont le point de vue est narré à la première personne et dont on découvre donc toute l’intimité. Circé est une héroïne particulièrement intéressante, car elle est très imparfaite et pourrait même faire figure d’antihéroïne au début du récit. Circé est décrite comme n’étant pas très belle, on se rend également compte qu’elle n’est pas très vive d’esprit et est pour ces raisons méprisées par quasiment tous les autres dieux. C’est la moins aimée de ses frères et sœurs et elle est même maltraitée par sa propre mère. Circé est de manière générale très seule et va donc mettre beaucoup de temps à se révéler et à comprendre elle-même ce à quoi elle aspire. Malgré ses défauts, la déesse est également dotée d’un côté très doux et sensible et assez naïf qui la rend vraiment attachante. Elle est extrêmement différente des dieux qui l’entourent et n’aspire jamais à la cruauté ou à l’égoïsme. Sa perception différente du monde la rend particulièrement intéressante à suivre. C’est vraiment une héroïne atypique, loin des clichés des femmes badass que l’on voit souvent. Bien qu’elle soit une déesse, elle semble finalement plus humaine que beaucoup d’héroïnes de littérature. 

On va suivre Circé sur des milliers d’années et ce qui permet de voir le portrait de l’héroïne se modifier très lentement et de manière très réaliste. Madeline Miller a extrêmement bien travaillé la psychologie de son personnage lui faisant peu à peu comprendre ce que signifie sa condition de déesse, de sorcière et de femme et les difficultés qui en découlent.  

« Je ne fus pas étonnée du portrait qu’on y faisait de moi : la fière sorcière s’avouant vaincue devant l’épée du héros, s’agenouillant et demandant grâce. Il semble que punir les femmes soit le passe-temps favori de poètes. Comme s’il ne pouvait pas y avoir d’histoire à moins que nous ne rampions en pleurant. »

Une revisite de la mythologie grecque

On retrouve dans ce roman beaucoup d’histoires bien connues des amateurs de mythologie. Circé va faire la connaissance de beaucoup de héros grecs tel que Dédale, Jason, Ulysse et son fils Télémaque. Elle aura une influence dans les évènements liés au minotaure, au monstre Scylla et ira jusqu’à s’attirer les foudres de la déesse Athéna. Tant d’histoires que l’on connaît bien, mais qui nous semblent différentes sous la plume de Madeline Miller. L’autrice réussit à revisiter ces mythes de manière beaucoup plus nuancée et moins manichéenne. Si ces mythes sont aussi différents c’est qu’ils sont merveilleusement bien retranscrits à travers les yeux de cette héroïne si particulière qui voit les choses différemment des autres. Ainsi les grands héros grecs adorés de tous se révèlent bien moins héroïques et parfaits vu dans les yeux de Circé. Madeline Miller nous emmène ainsi une nouvelle perception des grandes figures de la mythologie, ce qui rend le roman très agréable à lire même pour ceux qui connaîtrait déjà bien les histoires mentionnées. Il faut quand même avouer que Circé vit beaucoup à travers les récits des autres personnages et participent elles-mêmes à peu d’aventures ce qui occasionne quelques problèmes de rythme en milieu de récit.

Si le roman nous livre une revisite très réussie de mythes grecques très connus, il va en réalité plus loin en nous offrant des réflexions liées à la nature même de Circé et à sa condition de déesse. L’héroïne est décrite comme possédant une voix d’humaine et finalement cette caractéristique qui lui vaut tant de moqueries au départ va devenir un des traits les plus forts de sa personnalité. C’est un élément qui peut paraître anecdotique, mais Madeline Miller l’évoque avec beaucoup de finesse et l’utilise pour tisser très habilement l’évolution psychologique de la déesse. Car on peut voir dans ce récit un réel questionnement sur la valeur des hommes et des dieux. La suprématie des dieux va peu à peu être remise en question à travers les rencontres que va faire Circé ce qui donne une dimension au récit à laquelle je ne m’attendais pas. Face à tous ces questionnements, Madeline Miller offre une magnifique fin à son héroïne tout en sensibilité et qui correspond parfaitement à son évolution psychologique. 


Conclusion


Madeline Miller nous offre une très belle revisite de mythes grecs à travers les yeux d’une héroïne bien singulière : Circé. Bien que déesse, la jeune fille est très imparfaite et met du temps avant de se révéler et devenir une puissante sorcière. Son évolution psychologique est tissée avec énormément de finesse et sa perception très différente du monde donne une nouvelle saveur aux mythes grecs très connus les rendant bien moins manichéens. De plus, Madeline Miller aborde avec beaucoup de sensibilité la condition de femme de Circé mais aussi celle des dieux et remet en question la suprématie des dieux sur les hommes dans leur statut d’immortels. 

tb lecture

6 réflexions sur “[Chronique] Circé, de Madeline Miller

  1. Baroona 17 mai 2020 / 9 h 36 min

    Ce n’est clairement pas un livre vers lequel je me serais tourné naturellement, mais j’aime bien ce que tu en dis. Ça a l’air très humain, Ô ironie. ^^

    Aimé par 1 personne

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