[Chronique] La Rose et le serpent, de Julie Elles

Duelliste à gage, Soren survit en louant illégalement son épée dans l’ombre de la République d’Ancorha. Mais lorsque le Haut-Magistrat en personne le recrute de force, il se retrouve entraîné dans la politique et ses complots, incapable d’échapper plus longtemps à son douloureux passé. De l’autre côté de la frontière, des remous agitent l’Empire de Falésie, où les mages gouvernent d’une main de fer. Alana, une jeune femme dédaignée pour sa naissance, peine à trouver sa place dans la Brigade Impériale de son père, dont le devoir est de maintenir l’ordre dans la capitale. Mais le jour où une hérétique qu’elle a arrêtée profère de troublantes accusations, Alana doit faire un choix : rester loyale à son père, ou enquêter en secret au risque de tout perdre…

MON avis

Après l’excellent Bouffon de la couronne, les éditions ActuSF nous proposent une nouvelle incursion dans la fantasy francophone en format tome unique cette fois-ci : La Rose et le serpent. Ce beau pavé de presque 700 pages nous emmène dans une intrigue de cape et d’épée mâtiné de magie, de mystère et de complots, aussi bien adaptée aux novices de la fantasy qui n’ont pas peur de s’engager dans un long roman qu’aux lecteurs plus habitués qui rechercheraient à se détendre avec un bon divertissement et une intrigue complète en un seul tome.

Religion, secrets et vengeance

La Rose et le serpent désignent les deux personnages principaux que l’on suit alternativement dans le roman :
– Alana : jeune mage et fille illégitime du Commandant de la Brigade impériale dont elle fait elle-même partie et dont l’un des rôles est de traquer les hérétiques pour l’Empire de Falésie. Pourtant, au fil de ses missions, elle se retrouve troublée par la nouvelle religion qu’elle est censée éradiquer, et se lance dans une quête intime, celle de la vérité autour de la mort mystérieuse de sa mère.
– Soren, meilleur duelliste du pays voisin, La République d’Ancorha, que les intrigues politiques vont happer malgré lui alors qu’il ne rêve que d’une chose : se venger.

Un worldbuilding délicat à installer

La Rose et le serpent est un roman de fantasy classique qui mêle secrets de famille et complots politiques. On y découvre un univers assez complet avec des conflits politiques entre deux pays, de la magie, des religions et des décors bien plantés et agréables à découvrir. Malgré tout, le worldbuilding aurait pu être bien plus développé notamment le système de magie qui reste simple, basé sur un système d’incantation, et qui aurait pu avoir un impact bien plus grand sur les jeux politiques.

On sent également que le développement du worldbuilding a été délicat pour l’autrice, car l’essentiel de cet univers repose sur des secrets qui ne peuvent pas être dévoilés dès le début sous peine d’en dire trop sur les véritables intentions de certains personnages. Jusqu’aux fameuses révélations, on sent donc l’autrice mener un jeu d’équilibriste pour cacher au mieux les secrets. En contrepartie, Julie Elles n’arrive pas à développer correctement l’univers ce qui rend difficile la compréhension des rouages politiques et des liens entre les différents personnages. Tout s’éclaire au moment des révélations, mais il faut donc attendre une bonne partie du roman pour avoir des réponses sur des éléments qu’on aurait dû connaître bien avant. Ainsi, la sensation qu’on occulte volontairement des informations est trop prégnante ce qui met à nu les rouages de l’intrigue et nuit à son réalisme. Néanmoins, ceux qui aiment les mystères, les complots et les secrets de famille seront servis, puisqu’ils sont légions dans le récit et vont avoir une portée bien plus importante que ce qu’on pourrait penser.

Un récit rythmé et porté par des personnages attachants

Malgré les défauts en termes de worldbuilding qui, je pense, seront loin de de déranger la majorité des lecteurs, il faut bien avouer que La Rose et le serpent est un roman dynamique et agréable à lire. L’autrice gère parfaitement son rythme et a su rendre son récit fluide et entraînant si bien qu’on ne s’ennuie jamais. Elle nous offre un nombre important de révélations et de rebondissements à partir de la seconde moitié du roman et des personnages attachants qu’on prend plaisir à suivre. Beaucoup de révélations restent prévisibles, mais cela ne gêne pas l’immersion et l’envie d’aller au bout de l’histoire pour savoir comment les personnages vont s’en sortir, car l’autrice ne lésine pas sur les dangers et la tension.

Si les personnages auraient pu bénéficier d’une psychologie plus affinée, ils n’en restent pas moins attachants, chacun dans leur style. Soren conserve une part de mystère qui donne envie de le suivre, de découvrir ses secrets et de percer sa carapace. Alana, quant à elle, est un livre ouvert : on comprend facilement ses motivations, ses choix et ses doutes.

Néanmoins, elle souffre d’un certain syndrome de Mary Sue. Elle est naturellement bien plus puissante que ses pairs en tant que mage, et possède une maîtrise de l’herbologie si poussée qu’elle est capable d’identifier les poisons les plus rares – y compris ceux que les médecins les plus expérimentés ne connaissent pas – simplement parce qu’elle a vu sa mère les manipuler avant l’âge de douze ans.

Ce n’est pas la seule incohérence. L’usage de la magie dans le récit manque de cohérence : les mages n’y ont recours que lorsque cela sert l’intrigue, et non pas dans des situations où ils devraient logiquement l’utiliser. Cela tient à un déséquilibre de fond : la magie offre un avantage trop important dans les affrontements (surtout pour Alana), et cet écart n’a pas été compensé de manière crédible au sein de l’univers.

Malgré ces défauts, Alana reste un personnage plaisant à suivre, grâce à son énergie, ses dilemmes moraux et le regard critique qu’elle porte sur son monde. À travers elle, le roman aborde des thématiques intéressantes, comme l’injustice ou la difficulté à se faire une place dans un environnement où l’on n’est pas jugé légitime. Et si son côté Mary Sue peut agacer, elle apporte un féminisme bienvenue au récit puisqu’elle est parvenue à sa position grâce à sa force et à sa détermination sans jamais recevoir de traitement de faveur.

La Rose et le serpent est donc un roman non dénué de défauts, venant certainement du fait qu’il s’agit d’un premier roman, défauts qui devraient surtout gêner les habitués du genre en recherche de worlbuildings plus maîtrisés et de personnages un peu plus nuancés. Malgré cela, le roman se révèle d’une redoutable efficacité narrative. Julie Elles parvient habilement à tisser les intrigues des deux protagonistes, maintenant un savant équilibre entre mystère, tension et dynamisme tout au long du récit. Le dénouement est bien mené et surprend en évitant certaines facilités, et propose une vraie conclusion tout en gardant la porte ouverte à une suite potentielle.

Roman reçu dans le cadre d’un service de presse de la part des éditions ActuSF que je remercie


La Rose et le serpent
Autrice :
Julie Elles
Couverture : Damien Dufreney
Maison d’édition : ActuSF
Genre : Fantasy
Publication française :  10 avril 2025
Nombre de pages : 670 pages
Prix : 27,90 € (broché) / 9,99 € (numérique)

3 réflexions sur “[Chronique] La Rose et le serpent, de Julie Elles

    • Avatar de Sometimes a book Sometimes a book 15 juin 2025 / 10 h 43 min

      Ah je n’avais pas encore vu d’autres avis passer ! Je comprends que la taille puisse freiner, mais c’est quand même un bon divertissement et je trouve ça agréable de lire un vrai one-shot de fantasy

      Aimé par 1 personne

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