[Chronique] Les Champs de la lune, de Catherine Dufour

Les champs de la lune

Puisqu’il faut trouver une autre planète habitable, pourquoi pas la Lune ? Mais la vie est rude sous le feu blanc du soleil. À l’abri de son dôme agricole près du cratère Lalande, une fermière regarde les moissons et les générations s’élever et retomber comme les marées terrestres. Le soir, au clair de la Terre, elle parle avec son chat des fièvres qui frappent les humains, des fissures qui menacent la survie de la ferme, des enfants saisis par l’appel du vide, des robots fous et des fleurs dans la mer de la Tranquilité.
Son quotidien bascule le jour où on lui confie le soin d’une petite fille a la main verte. Qui fera éclore l’autre ?

MON avis

Je souhaitais depuis longtemps découvrir Catherine Dufour, autrice française réputée et engagée qui a touché à tout en imaginaire, mais aussi dans d’autres genres comme par exemple avec sa biographie Ada ou la beauté des nombres. J’étais d’ailleurs persuadée que je la découvrirai avec ce titre ou alors avec un de ses romans fantastiques, et pourtant sa dernière nouveauté, Les champs de la lune, m’a tout de suite attirée, et les premiers avis m’ont convaincue que je ne pouvais pas passer à côté. 

Je me suis donc lancée dans Les champs de la lune sans en savoir plus que ce que laisse deviner le titre et la couverture – ainsi que le fait que c’est un excellent roman – et je suis restée impressionnée par ce que j’y ai trouvé. Les champs de la lune est un roman extrêmement original qui nous emmène, comme vous pouvez le deviner, sur la Lune que les humains ont colonisé. La société que développe Catherine Dufour sur la Lune est très bien pensée et est développée sous un prisme très original, celui du personnage principal, El Jarline, qui consacre sa vie à s’occuper d’une ferme pour nourrir le reste de la population qui vit enfermée dans les sous-sols.

Botanique, gestion de la faune et de la flore sont ainsi au centre du récit et surtout de la première partie dans laquelle on découvre le quotidien d’El-Jarline et de son chat parlant. C’est sous forme de rapport qu’elle nous raconte ses journées, ses avancées, ses difficultés et ses questionnements. Cette première partie est plutôt douce et  contemplative, elle dégage une certaine langueur et, même si les difficultés sont nombreuses, on ressent un certain émerveillement à découvrir cet univers, à contempler la manière dont El-Jarline arrive à s’occuper de plantes sur Mars. J’ai été impressionnée par l’inventivité de l’autrice dans la construction de son univers et par la manière dont elle transpose la faune et la flore de la Terre à la Lune. Je ne pensais pas que je pourrais être autant passionnée par la botanique et pourtant Catherine Dufour nous envoûte en jouant sur tous nos sens. Il est aisé de visualiser les décors, les fleurs, les plantes, de ressentir leurs odeurs et leurs textures. On s’imagine aisément sur la Lune, assis à l’ombre d’un saule et c’est déjà un tour de force. Catherine Dufour nous offre une véritable ode à la nature, et si c’est l’une des thématiques majeures du récit, il est loin de ne se résumer qu’à ça.

« Hier, nous avons pleuré ensemble la disparition définitive de la méconème fragile, une petite sauterelle d’un vert tendre que l’on gaulait autrefois dans les arbres à coup d’ombrelle. Le génie génétique ne peut pas tout, même manié par Zante. Parfois, l’envie de continuer n’est simplement pas là. Privées de la rythmique tellurique, beaucoup d’espères ont tiré leur révérence. La Lune est superbe, ses paysages sont pleins de majesté, mais elle est définitivement morte et le Vivant le sent bien. »

Car derrière cette beauté, Catherine Dufour instille des éléments beaucoup plus sombres et dramatiques. Les champs de la lune parle ainsi aussi de deuil, de perte et de rencontres qui bouleversent notre vie et notre vision des choses. La deuxième partie est davantage consacrée à ces thématiques. Elle est aussi moins statique, on s’éloigne de la beauté de la ferme, de ce cocon protecteur qui commence à se craqueler, pour nous confronter à la noirceur du monde et de l’humanité dont l’essence n’a pas été changée par son départ sur la Lune. C’est donc aussi cette ouverture au monde que raconte Les champs de la lune. Et, à la noirceur, se mêle également des notes d’espoir et de mélancolie, car Les champs de la lune n’est par un roman tout blanc ou tout noir, il interroge le monde dans sa globalité, justice et injustices, beauté et noirceur, espoir et désespoir s’entremêlent avec habilité. El-Jarline qui vivait une vie solitaire dans sa ferme va s’ouvrir au monde, elle qui ne s’intéressait pas aux sentiments humains, va découvrir de nouvelles émotions et chercher le sens de la vie. L’histoire prend tour à tour un ton cynique, désabusé, résigné, rêveur et mélancolique. Finalement, Les champs de la lune nous emmène sous les étoiles pour observer la nature et réfléchir à la vie qui perdurera avec ou sans l’humanité. 

Magnifique ode à la nature, Les champs de la lune nous offre une réflexion sur la vie et l’humanité à travers l’évolution très réussie de son personnage principal qui nous immerge dans un univers bien à elle, et nous offre un voyage tour à tour doux, amer, tragique et mélancolique.

très bonne lecture

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les champs de lune

 

Les Champs de la Lune
Autrice :
Catherine Dufour
Illustration : Aurélien Police
Maison d’édition : Robert Laffont
Genre : Science-fiction
Publication : 26 septembre 2024
Nombre de pages : 285 pages
Prix : 20,50 € (broché) / 13,99 € (numérique)

 
 

15 réflexions sur “[Chronique] Les Champs de la lune, de Catherine Dufour

  1. Avatar de tampopo24 tampopo24 18 décembre 2024 / 7 h 05 min

    J’ai aussi beaucoup aimé cette proposition à contre courant sur la Lune, c’est doux, poétique et âpre à la fois. J’aurais peut-être juste aimé un peu plus tellement narratif au milieu de ces intéressantes description de la vue là-haut.

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    • Avatar de Sometimes a book Sometimes a book 22 décembre 2024 / 18 h 17 min

      Je comprends, mais justement je trouve que la proposition est vraiment originale et que ça l’aurait rendu plus classique avec plus de narratif !

      Aimé par 1 personne

      • Avatar de tampopo24 tampopo24 22 décembre 2024 / 22 h 05 min

        Tu n’as pas tort. C’est à la fois sa force et sa faiblesse pour moi.

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  2. Avatar de Shaya Shaya 24 décembre 2024 / 17 h 04 min

    Il est noté chez moi, mais pas pour tout de suite ^^

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      • Avatar de Tigger Lilly Tigger Lilly 4 janvier 2025 / 14 h 32 min

        TOUS 😀

        En vrai ça dépend de ce que tu cherches. Son master piece c’est Le goût de l’immortalité mais c’est assez spécial, ça plait pas à tout le monde. Sinon dans ces plus récents, Au bal des absents est très chouette, un propos sur les rejetés du système et un humour à toute épreuve. C’est du fantastique. Ou alors sa bio d’Ada Lovelace est vraiment bien aussi, toujours avec la même verve et avec un point de vue hautement féministe, ça se lit comme un roman.

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