
« Elle prend soin de demander à Mlle Justineau si on est dans une année bissextile, et c’est oui. Dès lors qu’elle le sait, le compte est bon.
Connaître la date, elle trouve ça rassurant, sans comprendre pourquoi. On dirait que ça lui donne un pouvoir secret – comme si elle contrôlait un petit bout du monde. »

Auteur : M.R. Carey
Traductrice : Nathalie Mège
Éditeur : L’Atalante / Le Livre de Poche
Genre : Science-fiction
Date de parution : 23 octobre 2014
Nombre de pages : 519
Prix : 8,20 €
SynopsisTous les dons ne sont pas une bénédiction. Chaque matin, Melanie attend dans sa cellule qu’on l’emmène en cours. Quand on vient la chercher, le sergent Parks garde son arme braquée sur elle pendant que deux gardes la sanglent sur le fauteuil roulant. Elle dit en plaisantant qu’elle ne les mordra pas. Mais ça ne les fait pas rire. Melanie est une petite fille très particulière…
Je tiens tout d’abord à vous prévenir que pour écrire cette chronique, je vais devoir spoiler le thème du roman qui n’est pas indiqué en quatrième de couverture. Personnellement, j’ai lu ce livre en sachant de quoi il allait parler et le thème est révélé très rapidement dans l’intrigue donc cela ne gâche pas le roman, mais si vous voulez le lire sans rien en savoir je vous conseille de ne pas lire cette chronique !
Ce roman prend place dans un monde post-apocalyptique assez classique dans lequel un virus a décimé l’humanité et transformé la majeure partie de la population en zombies nommés ici « affams ». Les affams correspondent bien à la définition type d’un zombie, des êtres ayant perdu tout forme de conscience et dont le seul but est de se nourrir de chair humaine. Seulement, certains personnages, et plus particulièrement des enfants, ont subi une sorte de mutation et sont devenus des affams tout en gardant leur conscience. C’est le cas de Melanie qui est gardée en compagnie d’autres enfants affams dans une base où scientifiques et militaires essayent de survivre et de trouver un remède à la propagation du virus.
J’ai beaucoup aimé la première partie du roman qui se déroule dans la base. On découvre le quotidien très particulier de ces enfants affams et plus particulièrement à travers le point de vue de Melanie. Cette première partie met en place les liens entre différents personnages et plus particulièrement le lien entre Melanie et une de ses professeurs Mlle Justineau. La relation créée entre les deux personnages et sa complexité est pour moi ce qu’il y a des plus abouti dans ce récit. L’auteur prend son temps pour bien la développer, ce qui était nécessaire puisque cette relation sera le ciment du reste de l’intrigue. Cette première partie met également en place les enjeux du roman et notamment son aspect scientifique. On ne se contente pas de suivre des humains tentant de survivre dans un monde hostile, les personnages cherchent avant tout à comprendre de manière scientifique les causes de la zombification de la population et surtout de trouver un remède. Plus qu’un roman divertissant, l’auteur propose donc une réflexion sur le pouvoir des sciences et sur les problèmes éthiques qui peuvent en découler. Cette réflexion était louable et intéressante mais, j’y reviendrai par la suite, elle m’a posé quelques problèmes.
Comme on s’en doute assez rapidement, les personnages vont devoir assez vite quitter la base et le roman prend à partir de là une dimension beaucoup plus classique. Je pourrais comparer facilement cette deuxième partie du roman à un épisode de Walking dead. On sent d’ailleurs que l’auteur est spécialisé dans l’écriture de comics, puisque son écriture est très cinématographique et on retrouve dans ce roman des procédés (pour ne pas dire facilités scénaristiques) très utilisés au cinéma. Cette deuxième partie narre donc la fuite des personnages vers une nouvelle base et, vous commencez peut-être à le savoir, j’ai un peu de mal avec les romans dans lesquels les personnages se déplacent sans discontinuité. Si le procédé n’est pas hyper bien maîtrisé, j’ai souvent une impression de redondance dans les scènes et cela n’a pas manqué avec ce roman. J’ai donc eu beaucoup plus de mal avec cette deuxième partie qui n’a jamais vraiment réussie à me captiver et comme je le disais dans le paragraphe précédent le message général du roman m’a dérangée.
Ce roman met donc l’accent sur les dérives de la science et sur l’équilibre instable entre les points de vue éthiques et le fait de faire avancer la science à tout prix, d’autant plus dans un cas extrême comme celui-ci où le but est de sauver ni plus ni moins l’humanité. Je pense que s’il est bien traité, ce sujet complexe peut amener à de belles réflexions. Ce n’est malheureusement pas le cas dans ce roman puisqu’on y retrouve un parti-pris extrêmement fort de la part de l’auteur. Le roman n’est pas neutre sur le sujet et nous influence vers une voie de pensée unique sans nous laisser le choix de faire notre propre réflexion. Certains personnages tombent donc dans une forme de manichéisme et on retombe dans un schéma que je supporte vraiment mal qui est le méchant scientifique prêt à tout pour ses expériences vs les gentils qui sauvent tout le monde. Dans ce roman, les « gentils » sont bien développés, je mets de guillemets car justement ce sont des personnages assez gris et bien nuancées. Par contre, les scientifiques, eux, sont très caricaturaux. L’auteur n’a donc pas construit ses personnages de manière équivalente et le lecteur se retrouve donc fortement influencé. Je ressors donc de cette lecture avec un petit goût amer, car même si elle est efficace et divertissante, j’ai été déçue par le parti-pris de l’auteur.
Conclusion
Celle qui a tous les dons est un roman post-apocalyptique assez classique dans le déroulé de son intrigue. Son originalité tient à la conceptualisation scientifique de la zombification de la population et de l’évolution de la maladie qui ne se limite pas à transformer les gens en êtres dénués de toute conscience. L’intrigue est efficace notamment dans sa première partie qui pose le contexte et créé les liens entre les personnages de manière assez solide. Malheureusement le parti-pris de l’auteur gâche la profondeur qu’aurait pu avoir le récit et pousse le lecteur à avoir une opinion très orientée sur les questions soulevées.