[Chronique] Chanter le silence, de Cassandra Khaw

Deacon James est un bluesman hanté par sa musique et la mort de son père. Lorsque sa route croise celle de John Persons, un type qui prétend que le musicien abrite dans sa tête quelque chose de dangereux, il choisit de l’ignorer.
Mais voilà, qu’à un concert, son saxophone n’invoque pas seulement les hourras du public d’Arkham, mais aussi des visions de cauchemar.
Pourchassé, Deacon prend ses jambes à son cou et tombe sur une jeune fuyarde, infectée par le même mal que lui. Tandis qu’ils tentent de quitter Arkham ensemble, la chanson dans la tête de Deacon gagne en force. Il sait que, bientôt, il ne pourra plus l’ignorer…

MON avis

Un mois après la publication de la novella à l’ambiance lovecraftienne Briser les os de l’autrice malaisienne Cassandra Khaw, les éditions Argyll reviennent avec une nouvelle novella dans le même univers, mais au titre plus poétique Chanter le silence.

Mais ne vous laissez pas tromper par la poésie de ce titre, Chanter le silence est bien une novella horrifique, une horreur qu’on retrouve de manière moins insidieuse que dans le premier texte, mais qui au contraire se dévoile très vite dans le récit. Si Cassandra Khaw interrogeait dans Briser les os sur la monstruosité en jouant autant sur la nature du personnage principal que de celui qu’il traquait, elle ne cache plus ici l’essence de ses personnages. Le détective privé, John Persons ne fait d’ailleurs plus figure de personnage principal, mais apparaît comme une ombre inquiétante qui surgit de nulle part pour traquer sa proie où qu’elle aille. Sa nature émerge ainsi en plein jour et l’horreur qui transparaît du récit se fait plus brute, plongeant pleinement et rapidement vers le body horror.

Et la nouvelle proie du détective Persons est cette fois-ci Deacon James, un bluesman désespéré par ses conditions de vie et la mort récente de son père, que l’on va suivre tout au long de cette novella. Mais Deacon James n’est pas un monstre, il possède au contraire une certaine candeur, et si Persons le traque c’est à cause d’une musique qui résonne sans cesse dans sa tête et lui provoque des visions d’horreur. Il n’est alors plus question d’enquête ici, mais de fuite, une fuite face au danger, mais également une fuite face aux responsabilités et à la réalité.

« De l’air, pense-t-il. Il a besoin d’air. D’eau. D’être ailleurs que là où il se trouve, d’être sur ses pieds et de bouger, de s’éloigner de l’horreur qui s’accroche à l’ourlet de son esprit comme les doigts d’un cauchemar enfantin. Et alors que Deacon trébuche d’un bout à l’autre du wagon, ivre de terreur, il a presque l’impression d’entendre le rire de la musique. »

Chanter le silence est un récit très conceptuel qui aborde la thématique du deuil de manière profonde et très juste. La portée du deuil du personnage de Deacon James est tangible tout comme la misère qui transparaît de ses traits. Les mots de cette novella résonnent comme la musique qui hante le personnage, entêtants, parfois cacophoniques, toujours intenses et sensoriels. Les évènements ne sont pas toujours faciles à suivre, le récit est moins linéaire que l’enquête de la première novella et l’intrigue n’est pas beaucoup plus développée que ce qui est mentionné dans le synopsis. Chanter le silence est avant tout un roman de mots et de concepts, qui marque pour son ambiance hallucinée, ses personnages incarnés et son interprétation du deuil.

De Briser les os à Chanter le silence, on passe donc du chasseur à la proie. Plus viscéral que son prédécesseur, Chanter le silence délaisse l’enquête pour une descente sensorielle dans la folie et le deuil. L’horreur se fait plus présente dès le début du récit entre body horror et ambiance oppressante à laquelle s’ajoute la figure effrayante incarnée par Persons. Les mots sur le deuil résonnent fort tout comme la musique entêtante dans la tête du personnage principal qui nous plonge dans une intrigue hallucinée et conceptuelle, pas toujours aisée à suivre.

Livre reçu dans le cadre d’un service de presse


Chanter le silence
Autrice : Cassandra Khaw
Traduction : Marie Koullen
Maison d’édition : Argyll
Genre : Fantastique
Publication française : 7 novembre 2025
Nombre de pages : 347 pages
Prix : 11,90 €

14 réflexions sur “[Chronique] Chanter le silence, de Cassandra Khaw

  1. Avatar de tampopo24 tampopo24 5 novembre 2025 / 7 h 12 min

    Body horror, écriture viscérale, horreur lovecraftienne, tout cela me parle énormément.
    Il faut vraiment que je sorte les 2 textes ce mois-ci ^^

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  2. Avatar de Jean-Yves Jean-Yves 5 novembre 2025 / 8 h 46 min

    Je suis en plein dedans. Ça demande d’être focus car oui le déroulement est parfois difficile à suivre. Cette langue et l’ambiance m’a happé tout de suite néanmoins.

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  3. Avatar de Lutin82 Lutin82 9 novembre 2025 / 18 h 49 min

    je vais le tenter, je le vois beacoup, donc avec Arkham, en terrain de jeu, c’est un bon argument.

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  4. Avatar de tampopo24 tampopo24 23 novembre 2025 / 22 h 21 min

    J’ai moins aimé ce tome. Passé le début où les lignes invoquant les entités étaient de puissantes invocations justement, j’ai trouvé la suite un peu plus plan plan et évidente, sans grand sujet, pour moi ^^!

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    • Avatar de Sometimes a book Sometimes a book 23 novembre 2025 / 22 h 30 min

      Moi aussi j’ai préféré le premier ! L’intrigue est effectivement assez pauvre, ce qui fonctionne surtout c’est le travail d’écriture pour construire l’ambiance et les sentiments autour du deuil

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