[Chronique] Noblesse oblige, de Maiwenn Alix

Très chers téléspectateurs, bienvenue dans cette nouvelle saison de Noblesse Oblige !
La révolution de 1789 n’ayant pas abouti, la France est dirigée par le Roi Louis XXI. La monarchie autoritaire s’assure néanmoins le soutien du peuple en mettant en scène son faste et sa cour dans des émissions de téléréalité. Noblesse oblige est la plus regardée d’entre elles.
On y suit chaque année une poignée de jeunes roturières élues, à qui l’on offre la chance de rencontrer de grands héritiers et de faire un mariage avantageux. Gabrielle, secrètement antiroyaliste, apprend qu’elle fait partie des candidates. Une occasion rêvée d’infiltrer la monarchie et de dénoncer ce qui se cache sous le vernis de la cour. Or ce qu’elle va découvrir va bien au-delà de ce qu’elle pouvait imaginer…

MON avis

Noblesse oblige est le premier tome d’un diptyque de science-fiction orienté young adult qui pourrait faire office de réécriture française de la saga La Sélection de Kiera Kass en mêlant histoire et téléréalité.

Le concept du récit, imaginant une France où la monarchie aurait perduré après l’échec de la Révolution, offrait un potentiel très intéressant, notamment à travers cette téléréalité réunissant des roturières et de jeunes nobles pour former des couples et éloigner les risques de consanguinité. Malheureusement l’univers manque de cohérence pour que l’on croit à cette France monarchique modernisée. Ainsi les éléments historiques et technologiques semblent juxtaposés sans réelle logique sociale ou économique : les éléments technologiques nécessaires à une télé-réalité (caméra, voiture, télévision, micro…) existent, mais sans qu’on comprenne comment ils s’inscrivent dans une société restée figée dans les mœurs du XVIIe et XVIIIᵉ siècles, alors même que le roi au pouvoir est Louis XXI, nous emmenant donc de nombreux siècles après cette époque. Ce décalage constant et l’absence d’évolution logique de la société empêche de croire pleinement à cette uchronie, qui paraît davantage décorative que structurée et en devient simplement anachronique.

Néanmoins, on le comprend bien vite, le but du récit n’était pas de construire un univers crédible, mais de proposer un divertissement en plaçant la noblesse dans un univers de télé-réalité et, à ce titre, le roman tient ses promesses. Noblesse oblige est un récit prenant et bien rythmé qui réussit parfaitement à décrypter les coulisses d’une émission de téléréalité en montrant bien la différence entre le paraître et la réalité. Comme le découvre rapidement l’héroïne, Gabrielle, propulsée figure la plus populaire du programme, tout est écrit d’avance : ce qui semble émouvant et spontané à l’écran n’est souvent qu’une scène scénarisée et répétée des dizaines de fois. Les couples qui se forment sont tout aussi factices que le reste et c’est là le grand point fort du roman : ne pas s’engouffrer dans la facilité d’une romance niaise et déjà vue, mais bien montrer l’envers du décor et renverser le pouvoir de l’intérieur. Car oui Gabrielle déteste la monarchie et est bien décidée à jouer le jeu pour mieux la détruire.

Là où le roman surprend agréablement, c’est aussi dans la violence qui s’en dégage. L’autrice n’hésite pas à montrer les aspects les plus sombres du pouvoir et de la cour, sans édulcorer les drames ni protéger ses personnages. Ce choix, plus audacieux qu’il n’y paraît, apporte un contrepoint bienvenu à la légèreté apparente du concept. Pour de grands lecteurs habitués du genre, le roman se révélera sûrement trop classique et prévisible dans le déroulé de son intrigue, d’autant plus qu’il souffre d’importantes facilités scénaristiques et d’un personnage antagoniste assez peu crédible dans ses réactions qui paraissent peu compatibles avec sa position hiérarchique. Néanmoins, je conseille vivement ce premier tome pour la cible ado/young adult qui apprécieront l’aspect très divertissant de cette téléréalité. J’aurais personnellement adoré découvrir ce roman adolescente, puisque les récits osant la violence plutôt que la romance pour cette cible sont rares. À noter tout de même la présence de scènes violentes donc, mais aussi explicites, ce premier tome n’est donc pas à mettre entre les mains de lecteurs trop jeunes non plus.

En résumé, Noblesse oblige propose une intrigue bien menée et rythmée, mais souffre d’un univers uchronique manquant de cohérence et de quelques facilités narratives. L’ensemble demeure néanmoins très divertissant et pertinent, en nous plongeant dans les coulisses d’une téléréalité où le paraître et la manipulation priment sur la sincérité. L’autrice ose en outre privilégier la violence à la romance, choix rare dans ce genre de récit, qui apporte une vraie tension dramatique et renforce la portée sociale du roman.

Livre reçu dans le cadre d’un service de presse


Noblesse Oblige
Autrice :
Maiwenn Alix
Illustration : Germain Barthélémy
Maison d’édition : Slalom / Pocket
Genre : Science-fiction
Publication : 8 février 2024
Nombre de pages : 413 pages
Prix : 18,95 € (broché) / 9,90 € (poche) / 6,99 € (numérique)

11 réflexions sur “[Chronique] Noblesse oblige, de Maiwenn Alix

  1. Avatar de Lutin82 Lutin82 22 octobre 2025 / 7 h 41 min

    mouais, j’avoue que je ne suis pas convaincue, même si tu as apprécié ta lecture. Un aspect de roman qui est fondamental pour ma pomme – est la cohérence (et accessoirement la richesse) de l’univers dans lequel se déroule le récit. Cette base donne une assise solide et crédibilise l’aventure et les personnages, même si l’univers est loufoque, avec des pingouins volants ou des crapauds cracheurs de feu.
    Ce qui m’interessait dans le roman quand tu l’as présenté la dernière fois était justement cette continuité de la monarchie.
    Bref, assez de palabres, tu auras compris : je décline.

    Aimé par 1 personne

    • Avatar de Sometimes a book Sometimes a book 26 octobre 2025 / 11 h 24 min

      J’ai moyennement apprécié, c’est plutôt le moi adolescente qui a apprécié (ou qui aurait aimé lire ce livre à cet âge-là), mais le moi adulte est d’accord avec toi et regrette la problématique de l’univers et les facilités scénaristiques (notamment une énorme facilité sur la scène de fin qui a fait hurler la chimiste qui est en moi). Mais bon, je replace aussi le livre dans son contexte et par rapport à sa cible.

      En tout cas, je comprends que tu déclines !

      Aimé par 1 personne

  2. Avatar de Jean-Yves Jean-Yves 22 octobre 2025 / 8 h 00 min

    Merci pour la chronique. J’ai vaguement hésité car je suis attiré par l’uchronie mais si elle ne sert finalement que d’originalité pour un type de texte qui n’en a pas (c’est bon, le thème des rivalités, on connaît…) ça sera sans moi. Bon, faut dire que je suis un Old Adult, et que la cible m’avait déjà mis la puce à l’oreille.

    Aimé par 1 personne

  3. Avatar de tampopo24 tampopo24 23 octobre 2025 / 18 h 56 min

    Même si je ne suis clairement pas le public visé et que les ficelles seraient trop grosses pour moi, je serais presque curieuse de lire ces scènes de violence dont tu parles tant celle-ci est souvent édulcorée ou mal écrite dans la littérature jeunesse mainstream actuelle v.v

    Aimé par 1 personne

    • Avatar de Sometimes a book Sometimes a book 26 octobre 2025 / 11 h 20 min

      Oui je suis d’accord et c’est le point fort du livre, pour une fois qu’en jeunesse on ose mettre de la violence c’est vraiment bien (bon c’est un peu cassé par le fait que l’antagoniste soit très caricatural, mais bon pour la cible ça change en tout cas !)

      Aimé par 1 personne

  4. Avatar de Anouchka Anouchka 24 octobre 2025 / 12 h 14 min

    Bon je ne suis clairement pas la cible mais ça me rend quand même curieuse. Ça se lit rapidement ?

    Aimé par 1 personne

    • Avatar de Sometimes a book Sometimes a book 26 octobre 2025 / 11 h 15 min

      Ah oui ça se lit vraiment extrêmement vite pour le coup, l’écriture est simple et c’est entraînant donc pas de problème à ce niveau-là !

      Aimé par 1 personne

  5. Avatar de Shaya Shaya 3 novembre 2025 / 14 h 13 min

    Bien, je n’avais pas prévu de le lire, et c’est parfait car tu confirmes que ce n’est pas pour moi ^^ (le point d’interrogation sur la couverture me gêne pas aussi)

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire