[Chronique] Yumi et le peintre de cauchemars, de Brandon Sanderson

Yumi et le maître de cauchemars
 
Sur une planète baignée de lumière et écrasée par la chaleur, Yumi est une yoki-hijo, une prêtresse qui invoque les esprits pour venir en aide à son peuple.
Dans une cité froide entourée de ténèbres perpétuelles, Peintre repousse chaque jour les manifestations physiques des cauchemars des habitants grâce à ses pinceaux.
Tout les oppose, ils ignorent même jusqu’à l’existence du monde de l’autre. Pourtant, leurs destins vont littéralement s’entremêler le jour où ils commencent à échanger leur place à chaque réveil. Parviendront-ils à mettre leurs différences de côté et à travailler ensemble afin de sauver leurs peuples d’un désastre imminent ?

MON avis

Troisième publication sur quatre de Brandon Sanderson en cette année 2023 après Tress de la mer Emeraude et Manuel de survie du sorcier frugal, Yumi et le peintre de cauchemars nous emmène dans un registre très différent même si on y retrouve quelques points commun avec Tress puisque les deux romans s’inscrivent dans le Cosmere, l’univers créé par l’auteur et dans lequel une grande partie de ses romans se déroulent. Comme dans Tress, c’est donc Hold que l’on retrouve comme narrateur, mais la narration prend une forme très différente cette fois-ci puisque Hold n’intervient pas réellement dans l’histoire. De plus, mis à part cela, Tress et Yumi n’ont pas réellement d’autres similitudes et c’est un tout nouveau coin du Cosmere que l’on explore ici. 

Pour ce nouveau projet, Brandon Sanderson s’est inspiré des univers de Final Fnatasy X et du manga Hikaru no Go. Cela donne une intrigue au cadre japonais mêlant un Japon moderne à un autre plus ancien. Ainsi le récit suit deux personnages dont le destin va se trouver emmêler : Yumi, tout d’abord, une jeune yoki-hijo, c’est-à-dire une prêtresse qui a été désignée par les esprits et est capable de les invoquer après un rituel très particulier d’assemblage de pierres. La jeune femme a une vie extrêmement cadrée et rigoureuse, à la manière d’une religieuse, elle se consacre uniquement à son devoir envers les esprits. Du côté du Japon plus moderne on suit Peintre, un jeune homme qui, de son côté, consacre sa vie à lutter contre des cauchemars. Dans ce texte, les cauchemars sont réellement personnifiés, ce sont des êtres tangibles qui s’attaquent aux rêveurs et que l’on peut chasser à l’aide de la peinture.

Les cauchemars sont une terreur fluide. Dès que l’on commence à trouver sur l’un d’entre eux la prise la plus infime, il change. Se met à remplir les recoins de l’âme comme de l’eau versée remplit les fissures du sol. Les cauchemars sont un froid pénétrant, créé par l’esprit pour se punir lui-même. Sur ce plan, le cauchemar est la définition même du masochisme. La plupart d’entre nous sont assez pudiques pour garder ces choses-là pour eux, bien cachées. Dans le monde de Peintre, ces sombres fragments avaient une tendance frappante à prendre vie.

Un jour, la vie de ces deux personnages va se retrouver mêlée, Yumi et Peintre se retrouvant chaque jour dans l’univers de l’autre. Ils prennent alternativement la place de l’autre, devant évoluer dans un univers qu’ils ne connaissent et ne maîtrisent pas. Ainsi le roman alterne les chapitres consacrés à l’univers de Yumi et les chapitres consacrés à l’univers de Peintre dans un procédé pas forcément très réaliste ni solide, mais qui permet de faire fonctionner cette histoire plutôt originale. Le texte fait évoluer intelligemment les deux personnages en parallèle, montrant leur adaptation dans un univers qu’ils ne connaissent pas et comment ils vont faire évoluer les situations à leur manière, parfois au détriment l’un de l’autre. On voit également leur relation évoluer de manière douce et jamais précipitée. J’avais peur à ce que la romance soit trop présente dans ce texte, en réalité, son essence n’est pas là et l’évolution du lien entre les deux personnages auraient pu conduire à toute autre chose qu’une romance. La romance ne prend donc pas le pas sur l’histoire, et elle ne sert qu’au dénouement qui est, il est vrai, très (trop) mièvre, ce qui plaira ou pas en fonction de vos affinités avec ce genre de relations.  

Yumi et le peintre de cauchemars reste de manière générale un texte touchant et lumineux avec une touche d’humour provenant des situations dans lesquelles se retrouvent les personnages. C’est un texte parfait à lire pour se changer les idées et se divertir dans un moment difficile ou après une lecture plus sombre. Comme d’habitude avec Brandon Sanderson, le texte regorge de bonnes idées, sa construction est efficace et prenante et les thématiques sont bien exploitées. Ce roman aborde particulièrement des thématiques autour de l’art, confrontant différentes visions de l’art et la manière de la pratiquer. Il confronte également croyances et réalité et la manière dont les apparences peuvent être trompeuses lorsqu’on est limité à un seul prisme. Enfin c’est un texte qui parle d’amitié, de solitude, des difficultés à assumer ses erreurs et à demander pardon. 

Une fois n’est pas coutume, Yumi et le peintre de cauchemars ne convainc pas forcément au niveau de son worldbuilding. Si Brandon Sanderson nous propose encore une fois un worldbuilding très élaboré avec un système de magie original et beaucoup de révélations autour de l’univers, le texte demande une certaine dose de crédulité pour pouvoir l’apprécier. Ainsi, l’auteur s’épargne bien de nous donner certaines explications sur l’univers donnant une certaine impression de « ta gueule, c’est magique ». Malgré tout, comme pour ses autres projets secrets, on sent que Brandon Sanderson a écrit ce texte pour s’amuser et l’a destiné avant tout à ses proches, sans se prendre lui-même au sérieux. On pardonne donc cette fois-ci les approximations sur l’univers, puisqu’on comprend aisément que le but premier de ce texte était ailleurs. 

Yumi et le peintre de cauchemars est un texte doux et lumineux qui rassemble deux personnages que tout oppose et qui pourtant sont liés par leur grande sensibilité artistique même si elle se déploie différemment. Brandon Sanderson nous propose un univers dépaysant dans un lieu encore inexploré de son Cosmere et même si l’on sent qu’il a moins travaillé sur la solidité de son univers, il nous offre de belles surprises et on ressent le plaisir qu’à pris l’auteur à le développer. Si l’univers aurait donc pu être plus convaincant et que le roman présente parfois quelques longueurs et répétitions, il en reste un texte efficace, un bon divertissement qui nous permet de découvrir l’auteur dans un registre différent. 

très bonne lecture

Livre reçu dans le cadre d’un partenariat non rémunéré avec les éditions Le livre de poche et Babelio que je remercie !
 
D’autres avis : L’imaginaerum de Symphonie 
Yumi et le peintre de cauchemars
Auteur :
Brandon Sanderson
Traduction : Mélanie Fazi
Couverture et illustrations : Aliya Chen
Maison d’édition : Le Livre de Poche
Genres : Fantasy
Date de publication française : 12 juillet 2023
Nombre de pages : 652 
Prix : 29,90 € (relié) / 24,90 € (broché) / 16,99 € (numérique)

3 réflexions sur “[Chronique] Yumi et le peintre de cauchemars, de Brandon Sanderson

  1. tampopo24 22 novembre 2023 / 7 h 35 min

    J’ai été moins convaincue que toi malheureusement. J’ai eu du mal à entrer dedans et je n’ai presque pas vu l’inspiration d’Hikaru no go que j’attendais. Ajoutez à ça ce  » ta gueule, c’est magique ! » dont tu parles qui m’agace chez un tel auteur, ce n’était pas un texte pour moi 😅

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