[Chronique] La mer de la tranquillité d’Emily St John Mandel

la mer de la tranquillité


La-Mer-de-la-tranquilliteLa mer de la tranquillité
Autrice : Emily St. John Mandel
Traduction : Gérard de Cherge
Maison d’édition : Rivages
Genre : Science-fiction
Date de publication française : 23 août 2023
Nombre de pages : 304
Prix : 17,00 € (broché) / 9,99 € (numérique)
 
Synopsis 
Quel est cet étrange phénomène qui semble se produire à diverses époques et toujours de la même façon ? Dans les bois de Caiette, au nord de l’île de Vancouver, des gens entendent une berceuse jouée au violon, accompagnée d’un bruissement évoquant un engin volant qui décolle. L’expérience est intense mais brève, au point que l’on pourrait croire à une hallucination. En 2401, sur une des colonies lunaires, l’institut du Temps veille à la cohésion temporelle de l’univers. Une brillante physicienne nommée Zoey s’interroge sur des anomalies qui la perturbent. Le monde tel qu’il existe ne serait-il qu’une simulation ?
MON avis
Nouveau roman de l’autrice canadienne Emily St. John Mandel très connue pour son Station Eleven, La mer de la tranquillité s’inscrit dans le même univers que son autre roman L’hôtel de verre. Si vous avez prévu de lire les deux, mieux vaut respecter l’ordre de parution et commencer par L’hôtel de verre qui est entièrement spoilé dans La mer de la tranquillité.
 
La mer de la tranquillité se veut une expérience de lecture à part entière, le genre de livre avec lequel on ne sait pas vraiment où on a mis les pieds jusqu’à un stade assez avancé du roman. A cet égard, cette lecture m’a rappelée ce que j’avais ressenti à lecture d’Eversion : des chapitres (ou des parties dans le cas de La mer de la tranquillité) qui se suivent d’un point de vue chronologique, mais qui abordent à chaque fois des choses différentes jusqu’à ce que tout se remette en place de manière vertigineuse. 
 
Ainsi le début de La mer de la tranquillité nous présente une succession de personnage vivant à des époques différents allant de 1912 jusqu’en 2203, mais vivant tous une étrange expérience commune. Un personnage, un nom semble tout de même revenir à chacune de ces époques… La deuxième partie du roman nous emmène en 2401 sur une colonie lunaire où l’on fait la connaissance de Zoey et de son frère. Celle-ci est une physicienne qui travaille dans un institut de recherche qui s’intéresse justement à l’expérience – ou plutôt l’incohérence – qu’ont vécu les personnages découverts auparavant. Se pourrait-il que cela soit le signe que le monde n’est en fait qu’une vaste simulation contrôlé par d’autres êtres ? C’est à travers Zoey et son frère que les pièces du puzzle vont s’assembler jusqu’à la mise en évidence d’une perturbante vérité. 
 
Emily St John Mandel nous offre un récit plein d’étrangeté et de réflexion métaphysique. Elle développe des personnages simples, des anonymes qui vont un jour être confrontés à une chose étrange, une sorte de bug dans la matrice, une expérience qu’ils ne pourront jamais oublier. Si l’intrigue tourne autour de ce bug, celui-ci sert aussi de prétexte à l’autrice pour nous raconter l’histoire de ces différents personnages, mais aussi nous montrer l’évolution du monde de 1912 jusqu’en 2401. Evolution scientifique, technologique, sociétale, économique… entre pandémie et exploration spatiale, les thèmes évoqués ne sont pas surprenants, mais développés avec finesse et réalisme. L’autrice y met également quelques réflexions qu’on sent très personnelles, on trouve par exemple des pointes féministes à travers de petites piques bien placées qui font sourire. Il faut dire que l’autrice s’est représentée elle-même dans l’un des personnages, donnant un certain aspect autobiographie à l’intérieur de la fiction. 
 
Je n’ai pas été particulièrement emballée par la plume d’Emily St John Mandel que j’ai trouvé trop simple à mon goût et même un peu lisse. Il m’a manqué un peu de vie dans cette écriture qui m’aura permis d’apprécier d’autant plus les idées partagées. Néanmoins, La mer de la tranquillité est un récit avec beaucoup d’humanité. On se surprend à vouloir connaître le destin de ces anonymes qu’on rencontre dans les premières parties et dont on ne suit qu’une petite fraction de leur vie. Cet intérêt est très habilement suscité par l’autrice pour mieux nous faire comprendre les futurs choix des personnages et augmenter la réflexion autour d’eux. Ainsi Emily St John Mandel à rendre percutant son récit en plus de l’étonnement suscité par les révélations finales. La fin est plutôt surprenante (même si les gros lecteurs de science-fiction et amateurs de paradoxe la verront sûrement venir) et pourtant parait évidente une fois qu’on y est confronté. Le genre de fin qui peut nous faire totalement changer de perception sur le roman qu’on vient de lire.
 
La mer de la tranquillité est une véritable expérience de lecture dont la structure peut être déroutante, mais est habilement maîtrisée. Paré d’une intrigue mystérieuse, le roman nous offre en réalité une large réflexion sur l’avenir de l’humanité, sur le destin et sur l’essence même de la vie. Entre paradoxes et voyage dans le temps, évolutions sociétales et scientifiques, l’autrice aborde des thématiques classiques de la science-fiction, mais en les développement avec beaucoup d’humanité. La fin, très réussie, replace toutes les pièces du puzzle de manière satisfaisante et convaincante. 
 
bonne lecture
Cette chronique émane d’un service de presse des éditions Rivages que je remercie