[Chronique] La cité diaphane, d’Anouck Faure

la cité diaphane
« Mes forces me quittent, mon temps arrive à son terme. Si je peux formuler un dernier vœu : que nul ne revienne jamais ici. Ce que le mal n’a pas détruit, puissent le temps et l’oubli le réduire en poussière. Puissent les démons sortir de leur torpeur et ravager ces terres une bonne fois pour toutes. Puisse Roche-Étoile disparaître et demeurer notre tombeau. »


 
couv50202803
La cité diaphane
Autrice (et illustrations intérieures) :
Anouck Faure
Illustration de couverture : Xavier Collette 
Maisons d’édition : Argyll
Genre : Fantasy
Date de publication française : 3 février 2023
Nombre de pages : 258
Prix : 10,99 € (numérique) / 21,90 € (broché)
Synopsis
Merveille architecturale élancée vers le ciel, Roche-Étoile a connu la splendeur et la chute. La cité sainte de la déesse sans visage est maudite, réduite à l’état de nécropole brumeuse depuis que les eaux de son lac et de ses puits se sont changées en poison mortel.
 
Sept ans après le drame, l’archiviste d’un royaume voisin se rend dans la cité défunte avec pour mission de reconstituer le récit de ses derniers jours. Mais il s’avère bientôt que Roche-Étoile abrite encore quelques âmes, en proie à la souffrance ou à la folie, et celles-ci ne semblent guère disposées à livrer leur témoignage.
 
Un jeu de dupe commence alors entre l’archiviste et ces esprits égarés, dans les dédales d’une cité où la vérité ne se dessine qu’en clair-obscur, où dénouer la toile du passé peut devenir un piège cruel.
MON avis
La cité diaphane est le premier roman d’Anouk Faure déjà connu pour ses talents d’illustratrice. Elle a d’ailleurs réalisé plusieurs illustrations présentent dans le roman et qui en retranscrivent parfaitement l’ambiance. 
 
Qu’on se le dise tout de suite, j’ai été émerveillée ce roman. J’aimerais savoir poser les mots avec autant de talent qu’Anouk Faure pour vous transmettre de la manière la plus juste la beauté à la fois froide, cruelle et étincelante de ce roman. Faute de cela, je vais tacher de vous en parler sans rien en révéler, car c’est un récit qui joue avec les apparences et dans lequel il est bon de se perdre. Sachez que je n’avais pas été autant touchée par une plume et par une ambiance depuis ma lecture de Que passe l’hiver de David Bry et pour ceux qui connaissent mon amour pour ce roman, vous comprenez à quelle point la lecture de La cité diaphane m’aura marquée.
 

Roche-Étoile 

La beauté de cet univers réside en grande partie dans la cité qui lui tient lieu de décor. Roche-Étoile est une cité en ruine, frappée 7 ans plus tôt par une malédiction qui a décimé la population et changé l’eau qui l’entoure en une substance mortelle. Roche-Étoile est comme une âme en peine, brisée de toutes parts alors qu’elle brillait de mille feux. C’était la cité de celle qu’on nomme La déesse sans visage et le mystère qui entoure sa chute est tel qu’une archiviste va partir en quête de réponses afin de reconstituer son histoire. Cette archiviste c’est la narratrice de ce roman. Elle nous raconte son arrivée dans la cité en ruine, ses recherches et toutes ses découvertes. Là-bas elle va croiser quelques âmes, des fantômes que la raison semble avoir quitté ainsi qu’une jeune femme, prêtresse de la déesse sans visage qui a pour mission de faire renaître la cité de ses cendres. Mais Roche-Étoile peut-elle encore être sauvée ?
 
La cité diaphane est un récit lent qui joue énormément sur son ambiance, le mystère et les faux semblants. Le roman se joue des apparences et du lecteur par la même occasion. La manière dont Anouk Faure pose l’ambiance du récit est fascinante tant elle est palpable. Les descriptions de Roche-Étoile nous emportent immédiatement dans un autre monde. Un monde aux accents gothiques, une cité morte et pourtant rendue si vivante sous la plume d’Anouk Faure. Elle nous faire ressentir le goût du poison qui sature l’atmosphère et cette étrange impression de baigner dans la folie. Dans les premières pages du roman, le temps semble suspendu, comme si on avançait aux côtés de la narratrice dans un lieu interdit. L’autrice réussit parfaitement à retranscrire le poids du temps et des tragédies qui nous étouffent autant que les personnages. Et à côté de cette moiteur, de ce sentiment de malaise que l’autrice nous fait ressentir, elle nous émerveille des richesses infinies de la cité. Les décors sont saisissants de beauté et de grandeur. Roche-Étoile est décrit avec tant de richesse, de détails et de délicatesse qu’elle est envoûtante. Tout aussi envoûtante que monstrueuse et effrayante. Une fois la première page tournée, il ne m’a plus été possible de refermer ce roman. 
 
« La voûte jetait un éclat livide sur leurs visage. L’air immobile devenait étrangement dense, et ils prirent soudain conscience qu’il portait jusqu’à eux des sonorités insolites. Cela évoquait tout à la fois le murmure de l’eau, le craquèlement de la pierre, et la lente érosion d’une falaise rongée par la mer. Avec, loin en dessous, un grondement grave, sourd, continu, comme ne pouvait en produire aucun animal. »

Une lente descente aux enfer

 
Si le récit est lent et foisonnant de merveilleuses descriptions, ne pensez pas que cela se fait au détriment de l’intrigue. Anouk Faure ne la laisse pas de côté et nous sert un récit d’une rare intensité dramatique, plein de surprises et de rebondissements. Et si le récit fonctionne si bien c’est beaucoup grâce à sa narratrice, un personnage saisissant de complexité que l’on redécouvre à chaque page à travers un habile jeu de narration. Le livre correspond aux mémoires de ce personnage qui dérivent entre le présent et les souvenirs du passé. Anouk Faure installe également une habile mise en abyme qui permet de faire évoluer cette narration et éviter une trop grande linéarité du récit. Les différents procédés de narration permettent à l’autrice d’installer un suspense fou à son intrigue. Les révélations interviennent tout au long du récit, venant éclairer peu à peu une histoire dont on ne comprend les tenants que dans la toute dernière partie. 
 
Concernant l’intrigue, encore une fois, je ne peux rien en dire, mais sachez que La cité diaphane est un roman extrêmement sombre dans lequel les notes d’espoir et de lumière ne sont que très peu présentes. Anouck Faure nous emmène dans une lente descente en enfer qui arrive à son point culminant dans la dernière partie. Néanmoins, le récit brille par l’habileté avec laquelle sont dessinés les personnages. L’autrice pénètre vraiment au plus profond de la psyché de ses personnages, explorant toutes leurs failles, leurs erreurs, leurs espoirs déchus. Les liens qui existent entre les différents personnages sont extrêmement forts et accentuent encore plus l’intensité dramatique du récit. Anouck Faure exprime très bien la manière dont l’amour peut conduire à la dévastation et à la folie à travers des personnages très gris dont tous ont un rôle bien précis et crucial à mener dans cette histoire.
 
J’ai donc été bluffée par ce roman qui répond exactement à ce que je cherchais depuis un moment : un roman qui ose aller jusqu’au bout de sa noirceur tout en la sublimant grâce à une poésie et des décors d’une beauté infinie. Objectivement, il est possible que le roman s’essouffle un peu dans la deuxième moitié, néanmoins, j’étais tellement envoûtée par la plume que je suis restée en apnée jusqu’à la fin et n’ai pas vraiment fait attention aux défauts qu’il pourrait y avoir.    
 
Amateurs de récits sombre et poétiques, de malédictions, de personnages qui flirtent avec la folie et de cités grandioses, laissez-vous emporter dans les méandres de Roche-Étoile, vous en reviendrez très certainement changés. 
 
coup de coeur
 
D’autres avis : Fourbis & TêtologieYuyine 

10 réflexions sur “[Chronique] La cité diaphane, d’Anouck Faure

  1. Le Duo Livresque 18 mars 2023 / 8 h 36 min

    Un livre qui m’a tout l’air excellent et que je ne connaissais pas. Merci pour cette découverte et cet article très joliment écrit !

    J’aime

  2. tampopo24 18 mars 2023 / 9 h 08 min

    Énième superbe avis sur ce texte qui a l’air merveilleusement poétique. Je pense le mettre de côté pour une lecture à l’automne, ça devrait bien s’y prêter ^^

    J’aime

  3. Shaya 18 mars 2023 / 21 h 55 min

    Superbe avis en tout cas ^^ Je pense qu’il passera chez moi un de ces 4 ^^

    J’aime

  4. Les lectures de Marinette 27 mars 2023 / 15 h 00 min

    J’adore la couverture et le résumé donne très envie de mieux découvrir l’univers. Ton avis confirme que ça devrait me plaire, la curiosité d’en savoir plus sur le mystère et les faux semblants de la cité Roche-Étoile est bien là !

    J’aime

Laisser un commentaire