[Chronique] Gideon la neuvième, de Tamsyn Muir

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« Gideon, ne pleure pas ceux qui nous ont quittés. Selon moi la mort est le triomphe absolu. »


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Gidéon la neuvième
Autrice :
Tamsyn Muir
Traduction : Stéphanie Lux
Illustration de couverture : Tommy Arnold
Maisons d’édition : Actes Sud
Genre : Fantasy
Date de publication française : 13 avril 2022
Nombre de pages : 489
Prix : 17,99 € (numérique) / 24 € (broché)
Synopsis
Élevée par une flopée malveillante de nonnes sclérosées, de serviteurs antédiluviens et de squelettes, Gideon est fin prête à laisser derrière elle une vie de servitude et la perspective d’un au-delà sous forme de cadavre réanimé. Elle embarque donc son épée, ses bottes et ses revues pornos, et prépare son évasion. Mais son ennemie d’enfance ne lui rendra pas sa liberté avant un dernier service.
Harrowhark Nonagesimus, Respectable Fille de la Neuvième Maison et magicienne osséo surdouée répond en effet à l’appel de l’Empereur. Celui-ci a convié les héritiers et héritières de chacune de ses loyales Maisons à prendre part à un concours impitoyable mettant à l’épreuve leurs compétences et leur intelligence. Si Harrowhark réussit, elle deviendra une servante immortelle et tout-puissante de la Résurrection. Mais nulle nécromancienne ne saurait accéder au rang de Lycteure sans sa cavalière. Sans l’épée de Gideon, Harrow échouera et ce sera la fin de la Neuvième Maison.
MON avis
Gideon la neuvième est le premier tome de la trilogie Le Tombeau Scellé. Si vous n’êtes pas sûre de vouloir vous lancer dans une nouvelle trilogie, sachez que l’intrigue proposée dans ce premier tome est une histoire complète qui peut tout à faire se suffire à elle-même. Néanmoins, ce sera à vos risques et périls, ce premier tome est une si grande réussite qu’il y a de grandes chances pour que vous aillez tout de même envie de vous jeter sur la suite !

100 pages de mise en place

Comme son titre l’indique, ce premier tome suit le personnage de Gideon. L’intrigue principale du roman ne démarre réellement qu’après les 100 premières pages du roman, néanmoins celles-ci sont primordiales pour poser les bases de l’univers et de la psychologie de Gideon. Elles permettent ainsi de donner du corps au personnage de Gideon afin de mieux comprendre le rapport complexe qu’elle entretien avec les autres personnages, notamment Harrow, avec laquelle elle va former un binôme de choc. Car Gideon et Harrow se vouent une haine viscérale et l’évolution de leur relation n’aurait pas été aussi crédible et percutante sans une mise en place aussi développée. Ces 100 premières sont néanmoins passionnantes puisqu’on découvre l’univers complexe proposé par Tamsyn Muir basé sur neuf maisons nécromantiques possédant chacune sa propre particularité. On découvre également le personnage haut en couleur et irrévérencieux de Gideon qui, avec sa verve et sa répartie exceptionnelle, ne cherche qu’une autre chose : fuir la neuvième maison. Malheureusement les choses ne vont pas se passer comme prévu puisqu’elle va se retrouver embarquée dans une aventure mortelle avec Harrow. Les deux femmes vont participer à une compétition impitoyable aux côtés d’un duo de chaque maison afin de montrer qu’elles sont dignes de rentrer au service de l’Empereur.

Une ambiance sombre à souhait

L’intrigue de Gideon la neuvième m’a fait penser à l’ambiance qu’on peut trouver dans les romans de dark academia. Les personnages sont enfermés dans un manoir afin de démontrer leur capacité en passant des épreuves et en résolvant des énigmes tout en évitant des pièges mortels. S’il n’y a ni cours ni professeur, il y a bien un aspect apprentissage à travers les compétences et les connaissances que chaque personnage devra acquérir pour réussir les épreuves. Cette ambiance sombre et diabolique est extrêmement bien retranscrite par l’autrice. Elle ne rigole pas avec les épreuves que doivent passer les personnages. Non seulement elles redoublent d’inventivité, mais elles transpirent également de danger. La difficulté des épreuves associée à la paranoïa ambiante du fait de se retrouver en compétition avec 8 autres duos de personnages dont on ne connait pas les intentions permettent de faire grimper la tension en flèche. De plus, l’autrice joue de manière assez habile avec les personnages en ne les mettant pas directement en compétition : les personnages ont le choix entre s’entraider ou se battre entre eux. Ce choix contribue finalement parfaitement à aiguiser l’aura de méfiance qui va s’installer ainsi que le désir d’être le meilleur. Tamsyn Muir décrypte bien l’esprit humain et retranscris à la perfection les choix moraux qui peuvent ressentir les personnages dans ce type de situation. Ces jeux et les interactions entre les personnages est une des vraies réussites du roman.
De plus, Gideon la neuvième s’inscrit dans un univers basé sur la nécromancie. Chaque duo de personnage est composé d’un nécromancien et de son cavalier et toutes les épreuves sont basées sur cette discipline. C’est typiquement le genre de sujet que j’adore étant friande de récits à l’atmosphère très sombre et des thématiques liées à la mort. J’avais donc beaucoup d’attentes qui n’ont pas été déçues. Tamsyn Muir maîtrise à la perfection son sujet et l’atmosphère qui en ressort est savoureux pour tous les amateurs de récits très sombres et cyniques. Même si l’intrigue comporte parfois des petites longueurs son déroulé n’est jamais redondant, Tamsyn Muir réussissant très bien à en renouveler la dynamique au fur et à mesure de son avancée. Tout est bien plus complexe qu’une série d’épreuves, il s’agit plutôt d’un immense puzzle à reconstituer pour les personnages à coup d’énigmes, de faux semblant et de manipulation. Et bien sûr, les morts vont s’accumuler parmi les duos amenant une enquête supplémentaire à mener pour en découvrir la cause. L’intrigue est donc extrêmement bien équilibrée et un vrai plaisir à suivre. Malgré tout et malgré mon enthousiasme, il ne faut pas s’attendre à un récit dénué de défauts. Le nombre élevé de personnages secondaires ne rend pas toujours la lecture aisée et percutante et surtout la grande révélation finale du roman est très prévisible. L’autrice sème beaucoup trop d’indices et aurait pu cacher un peu mieux certaines choses.

Un duo de personnages savoureux

Je garde la meilleure partie pour la fin : le duo Harrow et Gideon. Si comme je le disais la dynamique entre les différents personnages fonctionne très bien, les interactions entre Gideon et Harrow sont aussi exceptionnelles que fascinantes et c’est sûrement l’élément qui contribue le plus à la réussite de ce roman. Gideon et Harrow sont deux femmes hautes en couleur qui partagent beaucoup de points communs : leur franc parler, leur détermination, leur intelligence, leur caractère impitoyable et sans concession. Ce sont deux personnages au caractère très forts, deux puissances qui s’opposent dans une pluie d’étincelles et de sarcasme. Les joutes verbales auxquelles se livrent les deux personnages offrent des moments cyniques à souhait qui viennent redynamiser le récit et offrent une petite bouffée de fraîcheur de ce monde surtout rempli de noirceur. De plus, rien n’est gratuit et Tamsyn Muir construit savamment ses personnages afin que l’on comprenne la raison pour laquelle elles réagissent de cette manière. Finalement, la relation d’Harrow et de Gideon va évoluer avec beaucoup de délicatesse au fur et à mesure des épreuves qu’elles vont traverser. De scènes tordantes on se dirige finalement vers des scènes beaucoup plus touchantes, sans qu’elles ne perdent pour autant leur côté punchy ! C’était un grand plaisir de suivre ces deux personnages et j’ai d’ailleurs particulièrement aimé Harrow. Je me réjouis de lire le deuxième tome qui se focalise sur ce personnage.

Gideon la neuvième est une grande réussite à de nombreux niveaux proposant un univers complexe et très inventif basé sur la thématique de la nécromancie. Le roman est sombre et cynique à souhait, l’autrice maîtrise à la perfection son ambiance à la noirceur infinie ainsi que ses personnages charismatiques et fascinants. Si l’intrigue comporte parfois quelques longueurs, les joutes verbales entre les personnages redynamisent le tout, tout en créant une vraie dynamique qui évolue de manière très crédible au fil du texte.
coup de coeur

7 réflexions sur “[Chronique] Gideon la neuvième, de Tamsyn Muir

  1. tampopo24 15 mars 2023 / 7 h 07 min

    J’avais des a priori du fait de l’univers lié à la nécromancie mais ta chronique est si bien écrite qu’elle a tout balayé et me donne furieusement envie de tenter l’aventure entre son duo féminin, ses airs de Dark académie et son intrigue auto conclusive.
    Allez cette fois c’est direction wishlist !

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  2. Steven 15 mars 2023 / 7 h 10 min

    Et bien tu me mets clairement l’eau à la bouche avec cette édifiante chronique ! Rien que la sombreur et la complexité de l’univers me donnent bien envie de m’aventurer dans cette œuvre liée à la nécromancie, Art ancestral passionnant malgré ses aspects assez viscérales.

    Merci pour ton partage.

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  3. Ma Lecturothèque 19 mars 2023 / 7 h 49 min

    J’ai beaucoup aimé ce roman et je suis ravie de lire ton retour qui me donne assez envie de m’y replonger – mais pour replonger dans l’univers, je pense attendre la sortie de « Harrow la Neuvième » qui sort bientôt 😉

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