[Chronique] Rivages, de Gauthier Guillemin

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« Et moi je suis le Voyageur. Je me nourris des contes, mais jamais je ne m’y perds. »


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Rivages (tome 1/2)
Auteur :
Gauthier Guillemin
Couverture : Aurélien Police
Maison d’édition : Albin Michel
Genre : Fantasy
Date de publication française : 30 octobre 2019
Nombre de pages : 247
Prix : 18,90 € (broché) / 9,99 € (numérique)
Synopsis 
On l’appelle le Voyageur.
Il a quitté une cité de canalisations et de barbelés, un cauchemar de bruit permanent et de pollution qui n’a de cesse de dévorer la forêt. Sous la canopée, il s’est découvert un pouvoir, celui de se téléporter d’arbre en arbre. Épuisé, il finit par atteindre un village peuplé par les descendants de la déesse Dana, une communauté menacée par les Fomoires, anciennement appelés “géants de la mer”. Là, il rencontre Sylve, une étrange jeune femme au regard masqué par d’impénétrables lunettes de glacier. Pour rester avec elle, dans ce village interdit aux Humains, le Voyageur devra mériter sa place.
MON avis
Voilà un roman singulier dans le catalogue d’Albin Michel Imaginaire. Rivages est un roman de fantasy initialement prévu comme one-shot et à qui l’auteur a finalement offert un second tome, également sorti aux éditions Albin Michel Imaginaire. La couverture de ce premier tome représente bien cette lecture remplie d’onirisme et de poésie, véritable ode à la nature, à la découverte et au voyage.

Un voyageur

On y suit un personnage sobrement connu sous le nom de Voyageur. Il quitte au début du récit la Cité, ville apocalyptique représentant toute l’influence néfaste que l’homme a pu avoir sur notre planète. Véritable prison de bruits, de cendres, de pollution et de béton, elle se dresse comme un rempart contre une nature sauvage, hostile que l’homme ne maîtrise plus. Le Voyageur lui décide malgré tout de braver les interdits et de traverser les barbelés pour rejoindre la forêt et tenter d’y survivre loin de tous ses repères.
Du bruit et de l’agitation Gauthier Guillemin nous emmène dans un univers beaucoup plus doux et mystérieux. La nature n’est pour autant pas toujours accueillante, mais le Voyageur possède un don qui va lui permettre d’y trouver sa place. Ainsi on découvre une subtile magie liée à la nature, mais aussi une mythologie liée aux peuples que le Voyageur va rencontrer. Car, au gré de ses pérégrinations, il va faire des rencontres, trouver l’amour et l’amitié, devoir faire sa place dans une communauté d’êtres différents de lui et apprendre à se connaître.

Un récit envoûtant

La plume de l’auteur et la manière dont il construit sa narration donnent à Rivages une atmosphère envoûtante. Gauthier Guillemin manie les mots avec beaucoup de dextérité, usant de phrases simples, mais possédant une grande justesse et une belle sonorité. Le résultat confère au roman un savant mélange de fluidité et de poésie ainsi qu’un rythme assez lent et contemplatif correspondant parfaitement à l’ambiance du récit.
L’auteur aborde son intrigue avec un flou voulu et maîtrisé qui permet de nous emmener ailleurs le temps de ces 250 pages. Ainsi, on ne sait quasiment rien du personnage principal ou du cadre du récit. On ne connaît pas le véritable nom du personnage et rien non plus de son passé. Gauthier Guillemin prend le parti pris de complètement déconstruire son personnage dès le début du récit, puis de le reconstruire et d’alors nous montrer qui il est véritablement. Son passé, son nom n’ont pas d’importance, c’est sa renaissance auprès de la nature qui importe. Le Voyageur nous emmène dans une quête initiatique bien malgré lui, car il n’a pas de véritable but, mais plutôt une soif de découvertes dans laquelle il pourra exprimer qui il est et ce qu’il veut être.
Le cadre est lui aussi extrêmement flou. On ne sait pas vraiment s’il s’agit de l’anticipation d’un lointain futur, il n’y aucun cadre spatial ni temporel, pas d’indications sur la manière dont ce monde en est arrivé là. Gauthier Guillemin brouille nos repères pour que seuls restent la nature et la forêt. J’aime habituellement les romans de fantasy très riches en worldbuilding et en explications, Gauthier Guillemin lui n’a pas besoin de cela pour nous captiver. Son habile jeu de narration nous envoûte en nous forçant à briser nos repères et à vivre intensément cette expérience aux côtés du Voyageur qui nous sert de guide dans cet étrange téléportation.

Voyager vers les rivages

Si Gauthier Guillemin bouscule nos repères au niveau du cadre et des personnages, il n’utilise pas non plus des procédés classiques pour la construction de son intrigue. Ne vous attendez pas à d’énormes enjeux, à un schéma classique avec un début, un élément perturbateur, un développement et une fin. Rivages, vous l’aurez compris, est un voyage dans lequel il faut se laisser emmener. Et malgré cette latence imposée par la narration je n’ai personnellement ressenti aucun ennui. Tout n’est pour autant pas parfait et le rythme n’est parfois pas toujours maîtrisée. Ainsi, le roman introduit une romance qui se met en place de manière extrêmement rapide. J’ai eu l’impression que l’auteur ne savait pas comment développer la relation entre les deux personnages, mais qu’il avait besoin qu’ils soient ensemble pour le bien de l’intrigue. Ainsi le début de leur relation se déroule de manière très précipité, pour reprendre une direction beaucoup maîtrisée une fois la romance bien établie.
Il y a donc une romance dans ce roman et, si vous me suivez, vous savez que ce n’est pas quelques chose que j’apprécie beaucoup. A ma plus grande surprise ici, elle ne m’a pas dérangée, car elle permet le développement d’une mythologie que j’ai beaucoup appréciée. Ainsi Rivages est un roman de découvertes, la découverte d’autres peuples aux caractéristiques fascinantes inspirés de diverses créatures mythologiques comme les gorgones. Gauthier Guillemin instille ainsi une vraie mythologie propre à son univers qui, associée à la magie qui s’en dégage, donne un aspect onirique au récit. Parfois le tout m’a semblé manquer de nuances, exacerbant la beauté de la nature et l’opposant frontalement à la dureté et l’âpreté de la ville. Cela explique sûrement l’absence de coup de cœur pour ce roman qui aborde à côté de cela d’autres thématiques bien traitées comme le déclin de civilisations ou l’importance ou non d’avoir un but. Faut-il atteindre ces rivages, ce rêve lointain qui plane au-dessus des personnages ? C’est dans cette réflexion que se forgera l’identité des personnages.

Beaucoup de choses se cachent donc derrière les 250 pages de Rivages. Enfouies derrière une plume contemplative et poétique et un récit qui pourrait paraître manquer d’enjeux se trouvent d’intenses réflexions sur la nature des rêves et de la quête. Invitation au voyage, à la découverte, ode à la nature, Rivages bouleverse nos repères pour mieux nous mener sur des sentiers différents à la découverte de notre identité.
très bonne lecture

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